Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration d’Océane Marceaux
Dans la décision Pickering c. Centre d’optométrie M.G. De Repentigny inc. rendue par la Cour supérieure en 2015, une ancienne gérante d’un centre d’optométrie conteste les conditions de son licenciement.
La demanderesse est âgée de 52 ans lorsque son employeur décide d’abolir son poste au sein d’une clinique où elle travaillait depuis 33 ans. Cette décision découle entre autres de la substitution de ses tâches par un système informatisé, implanté à la suite de la vente de la clinique à une autre entreprise. En compensation, son employeur lui offre un délai de congé de 33 semaines de salaire.
Elle s’adresse à la Cour supérieure pour obtenir un délai de congé de 24 mois ainsi que 15 000$ en dommages pour congédiement abusif. La Cour doit se prononcer sur la raisonnabilité de ce délai ainsi que sur le bien-fondé de la demande en dommages.
Au regard de la preuve, le tribunal conclut qu’un délai de congé de 16 mois est plus approprié. Il note une minimisation des dommages légèrement insuffisante de la part de la demanderesse, mais il reconnait néanmoins les défis qu’elle a rencontrés pour se trouver un nouvel emploi. Quant aux dommages pour congédiement abusif, le tribunal rejette la demande, ne constatant aucun abus de la part de l’employeur.
Voyez la façon dont le juge motive sa décision :
[46] Quant à la difficulté de se retrouver un emploi, le Tribunal doit considérer la preuve qui démontre que malgré ses très nombreuses recherches, Madame ne s’est pas retrouvé un emploi à temps plein. Elle occupe un emploi à temps partiel depuis janvier 2015.
[47] À la lumière de ce qui précède et de la jurisprudence en la matière[16], mais sous réserve de la minimisation des dommages dont il sera question plus loin, le Tribunal estime que le délai de congé raisonnable serait de 17 mois.
[…]
[56] Madame reconnaît qu’elle n’a pas postulé dans les cliniques d’optométrie sauf deux. Elle n’explique pas pourquoi sauf pour dire qu’elle voulait s’éloigner de ce milieu. C’est son choix, mais le Tribunal croit, en l’absence d’explication plus précise de sa part, qu’il n’était pas raisonnable d’éliminer ce secteur dans ses recherches d’emploi surtout qu’elle avait une expérience de 33 ans dans celui-ci et était une employée très appréciée.
[57] Par ailleurs, même si le Tribunal met de côté ses démarches pour un poste de directrice qui demandait un diplôme universitaire pour lequel Madame n’avait aucune chance, la preuve démontre qu’elle a fait énormément de recherches d’emploi pour des postes de représentantes et dans la gestion. À cet égard, l’employeur n’a pas fait la preuve qu’il y avait des postes disponibles pour lesquels elle était qualifiée et qu’elle n’a pas considérés et ce, même dans les cliniques d’optométrie. Il n’a pas non plus fait la preuve que des personnes avec les mêmes qualifications se retrouvent un emploi beaucoup plus rapidement que Madame.
[58] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal croit juste d’amputer le délai de congé raisonnable d’un mois.
[…]
[77] En l’espèce, nous ne sommes pas dans une situation où l’employeur a abusé de son droit de congédier, soit pour les motifs qu’il invoque ou encore dans la façon de le faire.
[78] En effet, l’employeur a indiqué que c’est en raison de l’abolition de son poste que Madame a perdu son emploi et cette version n’a jamais changé.
[79] Madame soutient que l’employeur camoufle le vrai motif puis qu’en 2014 une autre employée aurait obtenu le titre de gérante.
[80] Le Tribunal ne peut retenir cet argument. La preuve n’a pas été faite des responsabilités de cette autre employée. De plus, l’employeur a fait la preuve d’une diminution des responsabilités de Madame. Cette dernière a admis d’ailleurs avoir perdu 30 % de ses tâches. Il ne faut pas oublier que Madame gagnait un salaire horaire deux fois plus élevé que les autres employés administratifs y compris celle qu’elle considérait comme son bras droit.
[…]
[82] D’autre part, Me Côté a tenté de faire la fin d’emploi le plus humainement possible dans les circonstances. Il n’y a aucune preuve que le comportement de l’employeur était vexatoire, malicieux, empreint de mauvaise foi ou simplement abusif étant donné la situation.