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Une inspection préachat bafouée : Qui sera tenu responsable d’indemniser l’acheteuse?

6 juin 2024

Dans une décision récente de la Cour supérieure, Admettre c. Tremblay, le Tribunal est amené à trancher un litige en vices cachés d’une valeur de plus de 95 000$.

 

Suite à la prise de possession d’une propriété, la demanderesse constate que l’immeuble en question est atteint de nombreux vices qui n’étaient pas apparents lors de la visite de ce dernier (détérioration des plafonds, trous dans les murs, fuites d’eau, etc.). La demanderesse fait donc appel à un expert qui vient confirmer que divers vices affectent l’immeuble.

 

La demanderesse alors intente une action en justice contre son vendeur, l’inspecteur préachat et l’entreprise mandatés pour l’inspection préachat. À l’issue de l’inspection préachat, rien n’avait été signalé à la demanderesse relativement à un quelconque vice.

 

Dans cette affaire, deux questions retiennent notre attention : La Cour doit trancher si l’immeuble était atteint de vices cachés, et si l’inspecteur préachat et la société responsable de l’inspection ont commis une faute dans l’exécution du contrat de services d’inspection.

 

La Cour répond à l’affirmative à la première question, estimant que tous les critères établis par la jurisprudence pour conclure à la présence d’un vice caché sont satisfaits. En ce qui concerne la seconde question, la Cour y répond encore une fois par l’affirmative. La faute de l’inspecteur préachat, et de la compagnie par le fait même, est évidente au regard de son rapport d’inspection qui révèle de manière non équivoque son incompétence et son manquement aux obligations d’un inspecteur en bâtiment en plus de sa partialité.

 

Voyez la façon dont le juge motive sa décision :

 

 

[23]      Le Tribunal retient du rapport Boucher, de son témoignage et de la preuve constituée des photographies et des témoignages de l’acheteuse et de son frère que la plupart des vices qu’identifie l’expert constituent des vices graves qui affectent l’immeuble et que ces vices étaient cachés, au sens de la jurisprudence.

 

[24]      En effet, à moins de retirer tous les meubles et de vider les armoires, il était impossible à l’acheteuse de constater l’état réel des murs et des planchers. De même, l’état de la toile de la piscine et du terrain avant et arrière ne pouvaient être vérifiés en mars alors que le sol extérieur était sous couverture de neige. La pente négative n’est pas non plus visible aux yeux d’un profane, encore moins à cette époque de l’année.

 

[25]      L’acheteuse s’est par ailleurs comportée prudemment en retenant les services d’une personne qu’elle croyait experte en la matière, c’est-à-dire Rose et son entreprise 9355, qui ne l’alertent aucunement sur les nombreux problèmes que pointe Boucher. Rose affirme même que rien n’empêche la conclusion de la vente.

 

[26]      Bref, l’acheteuse démontre que des vices affectent l’immeuble, qu’ils n’étaient pas apparents lors de la visite et que leur gravité aurait eu un impact sur le prix qu’elle aurait autrement payé pour la transaction.

 

[27]      L’acheteuse démontre aussi son respect de l’article 1739 C.c.Q. en ce qu’elle a dénoncé les vices au vendeur[14].

[…]

 

[41]      Selon l’expert Boucher, le rapport d’inspection préachat de Rose s’inscrit nettement en marge des obligations d’un inspecteur en bâtiment. Rose aurait dû constater les défauts et les vices précités, évidents à la simple visite des lieux, si l’inspection avait été effectuée selon les règles de l’art.

 

[42]      La section « Avis au lecteur » du rapport tente de limiter la responsabilité de l’inspecteur à ce qui est visible. Cette limitation a un impact sur l’inspection de la toile de la piscine, mais ne dispense pas l’inspecteur de réaliser l’inspection selon les règles de l’art. Or, à l’évidence, Rose a mal conseillé l’acheteuse, il l’a même incité à acheter la maison, et le rapport d’inspection ne vaut presque rien étant donné sa vacuité d’analyse et son mutisme concernant les problèmes pourtant bien clairs et identifiés facilement par Boucher.

 

[43]      Le Tribunal retient la responsabilité personnelle de Rose qui demeure celui qui a effectué l’inspection et spécifiquement incité l’acheteuse à aller de l’avant avec la transaction. 9355 n’agit que par l’entremise de Rose et il serait trop facile pour ce dernier d’utiliser 9355 comme écran pour éviter toute condamnation.

 

[44]      Quant à 9355, sa responsabilité peut également être établie en raison de la faute de son représentant.

 

Par Me Sabrina Roberge, avec la collaboration de Mme Océane Marceaux