Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Soukaina Ouizzane
En 2022, dans l’affaire Rivard c. Aviron Québec Collège technique inc., le Tribunal administratif du travail conclut que le demandeur, un directeur adjoint qui a également été enseignant au sein de l’entreprise, remplit toutes les conditions requises pour bénéficier de la protection prévue à l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. Sur la question de la réintégration du demandeur, l’employeur, un collège privé, plaide son impossibilité pour plusieurs raisons.
Premièrement, l’employeur allègue que l’abolition de son poste empêche sa réintégration. Toutefois, au vu de la preuve, le Tribunal établit que l’employeur a pris prétexte de l’abolition pour congédier le demandeur. En effet, en plus du fait que le demandeur était le seul employé licencié lors de cette réorganisation, il ne s’est pas vu offrir le nouveau poste de responsable pédagogique alors qu’il possédait déjà les qualifications nécessaires et assumait déjà une partie des responsabilités.
Deuxièmement, l’employeur mentionne que le demandeur pourrait de nouveau être licencié s’il était réintégré, en raison de la diminution potentielle des inscriptions au collège. Le Tribunal répond que « si le contexte évolue, il bénéficiera des droits dont il aurait joui s’il était resté au travail, sans plus ».
Dans les faits, le vice-président a évoqué la possibilité que le demandeur reprenne son poste d’enseignant, mais à condition qu’il renonce à contester l’abolition de son poste. Sur ce point, le Tribunal rappelle que contester son licenciement ne pas remettre en cause son droit à une réintégration.
Le Tribunal conclut qu’aucun élément de preuve ne démontre qu’il existe une raison valable pour empêcher la réintégration de l’employé. Il ordonne ainsi sa réintégration et une indemnité pour compenser sa perte salariale.
Voyez en plus grand détail la façon dont le Tribunal motive sa décision:
[5] Le Tribunal conclut que monsieur Rivard bénéficie de la protection à l’emploi qu’énonce l’article 124 de la Loi. Il remplit en effet toutes les conditions y donnant ouverture. Quant au fond, la preuve révèle que l’employeur a pris prétexte d’une réorganisation du travail pour le congédier. Le demandeur a droit de réintégrer son emploi et de recevoir une indemnité pour compenser la perte salariale subie.
[…]
[92] L’article 128 de la Loi octroie au Tribunal le pouvoir d’« ordonner à l’employeur de réintégrer le salarié » ayant fait l’objet d’un congédiement sans cause juste et suffisante. C’est d’ailleurs le remède qui doit normalement s’appliquer à moins « que l’employeur ne démontre l’existence d’un obstacle réel et sérieux et l’impossibilité ou l’infaisabilité d’une telle mesure[31] ».
[…]
[95] L’employeur explique enfin que les inscriptions à l’école sont en décroissance depuis les changements gouvernementaux aux règles relatives au travail des étudiants étrangers. Il prévoit des licenciements. Le demandeur risque donc d’être licencié à nouveau s’il était réintégré. À son avis, cette mesure de réparation n’est pas viable dans ce contexte.
[96] Cet argument est écarté. Le Tribunal rappelle que la réintégration vise à replacer le salarié dans la situation où il serait, n’eût été son congédiement injustifié. Si le contexte évolue, il bénéficiera des droits dont il aurait joui s’il était resté au travail, sans plus.
[97] Enfin, la preuve ne révèle aucune circonstance justifiant d’en priver le demandeur. Il n’y a pas d’animosité entre les parties. Le simple fait de contester son congédiement ne peut faire obstacle au droit d’un salarié à son emploi.