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Un cadre supérieur a gain de cause: l’importance des reproches formels en matière de performances

17 septembre 2024

Par Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Julia Leclair

 

 

Dans une décision récente de la Cour supérieure, Mahi c. St-Georges Structures et Civil Inc., un cadre supérieur fait l’objet d’un congédiement injustifié en raison de difficultés financières de la défenderesse liées à l’échec d’un projet de développement d’affaires au Maroc.

En septembre 2017, St-Georges Structures et Civil Inc. (STG) sollicite M. Mahi pour occuper le poste de vice-président alliance stratégique nationale et internationale pour St-Georges International Bureau d’Études Inc. (STGI), une filiale dédiée aux activités hors Québec. Une convention d’actionnaires est alors signée, octroyant à M. Mahi 25% des actions de STGI. Bien que M. St-Georges soit le supérieur immédiat de M. Mahi, il le traite comme un coactionnaire.

À partir de l’été 2018, M. St-Georges ressent une pression financière croissante liée à la nouvelle succursale marocaine, gérée par M. Mahi, puisqu’aucun contrat n’a encore été signé. Cependant, il ne partage pas ses inquiétudes avec ce dernier, qui continue de s’investir pleinement dans ses fonctions.

En novembre 2018, M. St-Georges demande à M. Mahi de diminuer ses dépenses sans adresser de reproches ni évoquer la possibilité d’un congédiement. M. Mahi ignore alors l’ampleur des tensions entre les actionnaires concernant la rentabilité de l’entreprise. En janvier 2019, M. St-Georges remet à M. Mahi une lettre de congédiement où il est question de sa performance. STGI met complètement fin à ses activités au Maroc ce même mois, et M. Mahi trouve un nouvel emploi chez MPA Groupe Conseil Inc. en février 2019.

Mahi affirme avoir été congédié sans motif juste et suffisant, tandis que les défendeurs soutiennent que le congédiement a été fait pour un motif sérieux découlant d’une décision de nature économique et pour ne pas avoir atteint les objectifs prévus au plan d’affaires.

Le Tribunal conclut que le congédiement de M. Mahi n’était pas fondé sur un motif juste et suffisant. La réintégration n’étant pas possible, le Tribunal condamne les défenderesses à verser au demandeur la somme de 100 070,42$.

Voyez comment la juge a motivé sa décision :

 

 

[54] Les corrections apportées le jour même de la remise de la lettre dite de congédiement démontrent que les défendeurs n’avaient pas de réels motifs de congédiement contre Mahi. D’ailleurs, durant toute la période d’emploi, aucun reproche ne lui a été fait à l’égard de son ardeur au travail, ce dernier travaillant beaucoup plus que les 40 heures par semaine prévues à son contrat d’emploi.

[55] Pour donner à la terminaison d’emploi de Mahi une allure de congédiement, les défendeurs voudraient que la question de la gestion économique concernant les dépenses soit liée à l’incompétence de Mahi. À cet égard, la preuve est plus que faible. Il s’agit plutôt d’une tentative de redéfinir l’histoire…

[57] Mahi n’a jamais été informé que STGI était appelée à connaître une réorganisation complète de ses opérations, voire une fermeture imminente et définitive. Il était tenu à l’écart du stress financier que vivaient les trois actionnaires de STG en rapport avec l’implantation de la nouvelle société au Maroc : STGI jouait dans la cour des grands ce qui commandait l’injection de fonds importants et les actionnaires, à l’évidence, avaient sous-estimé l’impact d’une culture d’affaires différente.

[60] La preuve prépondérante est à l’effet que le comportement de Mahi n’est pas la cause de la précarité financière de STGI. La mauvaise situation financière de STGI ne peut être retenue comme une cause valable de congédiement. Rappelons que le contrat de travail est entre Mahi et STG.

[62] En l’espèce, l’employeur ne satisfait pas aux exigences d’un congédiement qui met en cause la compétence d’un employé puisque Mahi : n’était pas au courant des attentes par rapport aux dépenses, ne connaissait pas les lacunes qui lui étaient reprochées mis à part le courriel du 20 novembre 201837, n’a pas obtenu le support nécessaire, n’a pas bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster, et n’a pas été prévenu du risque de congédiement.

[70] Mahi a fait des démarches pour minimiser ses dommages. Il a trouvé un emploi qui était toutefois moins bien rémunéré.

[71] Eu égard au contexte global de la présente affaire, le tribunal estime qu’un délai-congé de neuf mois est raisonnable.

[90] Le tribunal est d’avis que l’employeur a manqué à son obligation d’agir de bonne foi en congédiant Mahi de façon insouciante et maladroite sans oublier qu’il a intenté un recours en injonction contre Mahi peu de temps après pour lequel un désistement a éventuellement été déposé.

[79] En résumé, une somme de 45 673,01$ (15 000$ + 30 673,01$) est dû à Mahi à titre de délai-congé.

[91] Le tribunal accorde à Mahi un montant de 10 000$ à titre de dommages moraux.

[93] Le tribunal accorde un montant de 2 000$ à Mahi pour la récupération de ses effets personnels.

[103] Le montant total des dépenses pour le mois de décembre 2018 et des coûts de location de voiture pour la période en cause qui devront être remboursés s’élève à 15 730,76$.

[107] Le tribunal est d’avis qu’à compter de la transaction du 30 avril 2018, Mahi n’avait plus à payer pour les actions, ce dernier les ayant cédées à STGI. En conséquence, les montants qu’il a payés du 1er mai 2018 au 28 septembre 2018 devront lui être remboursés, ce qui représente 16 666,65$ (40 000$ ÷ 12 mois = 3 333,33$/mois x 5 mois).

[110] Vu le contrat d’emploi, Mahi aurait dû recevoir un salaire annuel de 130 000$ à compter du 27 septembre 2018. Il a donc droit au remboursement de salaire de 10 000$.