Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans Tremblay c. Gestion Nancy Laberge inc., une décision récente de la division des petites créances, une gestionnaire de compagnie de camelots demande un délai de congé après la résiliation de son contrat de services? Ou de travail?
La cause est instruite ex parte, la défenderesse n’étant pas présente, ce qui a pour effet de faire tomber une demande reconventionnelle.
Les services de la compagnie de la demanderesse sont requis par un distributeur de journaux. Celui-ci est acquis par un autre distributeur qui, lui, met fin à la relation avec la demanderesse et sa compagnie. Le juge applique les enseignements de la Cour d’appel et détermine que nous sommes en présence de la rupture d’un contrat de services, et non d’un contrat de travail, ce qui ne donne pas ouverture au délai de congé :
[21] Par rapport à ces camelots, son statut est plutôt celui d’« employeur » et non de « salarié ». Or, comme l’écrit la Cour d’appel du Québec :
[…] il y a […] antinomie entre le statut de salarié et celui d’employeur. L’on ne peut pas être à la fois le salarié de quelqu’un et l’employeur d’un autre dans l’exécution d’une même tâche, car le type de contrôle que comporte la subordination juridique d’un employeur vis-à-vis son salarié ne peut se satisfaire d’un tel partage. Celui à qui on confie l’exécution d’une tâche et qui peut, pour ce faire, faire appel à ses propres salariés ne peut pas prétendre être lié par un contrat de travail envers le donneur d’ouvrage. Il a nécessairement conclu un contrat de service qui peut être exigeant et laisser peu de place à l’autonomie, mais qui est néanmoins un contrat de service.[7]
[22] Ainsi, puisque madame Tremblay n’est pas liée par un « contrat de travail » à GNL inc., elle ne peut bénéficier du droit à un délai de congé (ou préavis) raisonnable.[8]
Le juge détermine aussi que la demanderesse a droit à des dommages moraux. On peut parfois s’attendre à l’octroi de tels dommages dans le cas d’une rupture particulièrement houleuse d’un contrat de travail, mais il est aussi possible de le faire lorsqu’on pense que la bonne foi n’a pas été respectée dans le cadre de la rupture d’un contrat de services, selon les principes bien connus des obligations :
[32] Madame Tremblay témoigne s’être enquise, auprès de madame Laberge, des intentions de GNL inc. quant au maintien du contrat compte tenu qu’au moins un autre agent distributeur[11], tout aussi expérimenté qu’elle, avait été remercié. La dirigeante s’est alors faite rassurante, mais la suite des choses a montré que les appréhensions de madame Tremblay étaient fondées, malgré la fausse assurance reçue.
[33] Madame Tremblay et sa conjointe, madame Line Boulanger, ont toutes deux affirmé que la perte soudaine et sans avertissement de cette source de revenus avait eu un effet immédiat sur les finances de leur couple, en plus de perturber la quiétude de leur foyer (stress, « émotions à gérer », etc.).
[34] Par appréciation souveraine, le Tribunal évalue le préjudice moral ainsi subi à la somme de 1 500 $.