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La confusion entre des sociétés

31 août 2022

Par Me Sergiu Suciu, avec la collaboration de Sabrina Roberge

 

 

 

En matière de bail commercial, la solidarité des parties impliquées peut s’avérer complexe. De manière générale, la solidarité résulte d’un engagement des parties au sein de la convention de bail. Le droit québécois établit que la solidarité entre deux entités peut résulter des agissements et des caractéristiques des différentes entités impliquées au cœur de la relation contractuelle. Dans la présente, nous allons analyser une situation dans laquelle la Cour du Québec a statué quant à la responsabilité solidaire d’une société qui n’est pas partie à la convention de bail initialement signée entre le locateur et le locataire.

 

Dans l’affaire Testolina c. 153872 Canada Inc., les Demandeurs locateurs invoquent que la société LES RESTAURANTS MIKES INC. ( « Mikes »), agissant à titre de franchiseur pour le réseau de restaurants identifiés sous la bannière Mikes, devraient être tenu solidairement quant aux obligations du bail commercial signé avec le locataire 153872 Canada Inc. (ci-après « 153872 »). Les Demandeurs considèrent que 153872 a agi à titre de prête-nom pour Mikes. Dans les faits, Mikes développe un modèle d’affaires où ni le franchiseur ni ses franchisés ne signent leurs baux; ce sont des sociétés n’ayant aucun actif qui les signent, soit des coquilles vides. On retient que 153872 est une entité liée avec Mikes tel que le précise le Tribunal en indiquant que 153872 est « une coquille vide entièrement contrôlée et dirigée par Mikes ». Qui plus est, elle n’a aucune autre utilité ni activité mise à part détenir le bail pour le local exploité. La preuve révèle que 153872 n’a aucun employé, aucun compte bancaire, très peu d’actifs et un capital-actions de seulement 100$. En outre, les Demandeurs ont démontré que Mikes administre le bail et paie elle-même le loyer. En d’autres termes, Mikes conserve le contrôle de la coquille vide et considère que les créances et les affaires de 153872 sont les siennes. La mise en place d’une coquille vide par Mikes vient anéantir les droits des Demandeurs et assure l’impossibilité d’obtenir l’exécution de ses obligations advenant un défaut financier.

 

En agissant ainsi, Mikes a préjudicié les droits des Demandeurs. Pour le tribunal, Mikes a elle-même soulevé le voile corporatif en confondant le patrimoine de 153872 avec le sien au préjudice des Demandeurs. En vertu des articles 6  et 1375 du Code civil du Québec, le Tribunal statue que : « […] placer un intermédiaire qu’on sait et veut et qu’on va maintenir insolvable, une coquille vide, pour les fins de prendre les obligations en contrepartie d’obligations de l’autre dont on veut profiter n’est pas acceptable. »

 

En conclusion, les responsabilités et les obligations du locataire relativement au bail sont celles de Mikes également, de manière solidaire.