Congédier un employé au téléphone peut donner ouverture à des dommages moraux
20 septembre 2022
Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la cause de la Cour supérieure Patrao c. Tecsys inc., un vice-président opérations comptant 5 ans d’ancienneté s’est fait accorder 13 mois d’indemnité de départ.
L’un des éléments intéressants du jugement est sans contredit la réclamation de l’employé quant à des dommages moraux. Il est connu qu’un congédiement peut être exécuté de façon tellement piètre qu’il constitue une nouvelle faute en lui-même, et qu’il donne ainsi ouverture à des dommages moraux. La jurisprudence regorge d’exemples à ce sujet.
Dans le jugement qui nous occupe, le juge octroiera 20 000$ en dommages moraux pour plusieurs raisons, mais l’une d’elle est que le congédiement a été fait au téléphone, ce qui est donc à proscrire pour les employeurs. Voyez la ratio du tribunal :
[78] Il est tout à fait inacceptable et indigne de congédier Patrao lors d’une conférence téléphonique de six minutes, surtout qu’elle survient le lendemain de son retour de vacances et qu’il s’agit d’un cadre élevé dont la performance est importante dans l’entreprise. Il n’existe pas de bonne façon de congédier quelqu’un, mais il y a de mauvaises façons de le faire, c’en est une.
[79] Brereton explique qu’il voulait justement éviter de mettre Patrao dans l’embarras en le congédiant au bureau. Cela est certes louable, mais les endroits où tenir en privé des rencontres en personne ne manquent pas à Montréal. Cela aurait pu se passer dans une salle de conférence louée dans un hôtel ou dans un salon privé d’un restaurant par exemple.
[80] Il est maintenant bien établi que l’emploi est « une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien‑être sur le plan émotionnel »[37]. Tecsys ne prend pas les moyens de protéger la dignité de Patrao comme le lui impose l’article 2087 C.c.Q. et viole aussi son obligation de bonne foi.
[81] Patrao a droit à des dommages moraux.