Par Me Paul-Matthieu Grondin
On trouve parfois certaines pépites dans les jugements de la cour des petites créances de la Cour du Québec. Bien que les sommes allouées en indemnités de départ y soient plafonnées (on ne va pas aux petites créances pour des montants supérieurs à 15 000$), les principes de droit qui y sont décidés peuvent éventuellement trouver application pour des montants supérieurs dans les divisions régulières de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure.
Dans la cause Miller c. River’s Edge Daycare, une éducatrice s’est fait accorder des dommages alors qu’elle n’avait pas encore commencé à travailler chez son nouvel employeur. Cela dit, elle avait dû quitter un emploi précédent, ce qui explique en partie les conclusions auxquelles en est venu le juge. Celui-ci lui accorde une indemnité pour salaires perdus, mais aussi des dommages moraux (soit, d’un montant modeste de 1000$) :
[31] Le contrat étant la loi des parties, elle crée des obligations. RED en tant qu’employeur pouvait y mettre un terme. Mais la façon dont elle a procédé en ignorant et en agissant comme si le contrat n’a jamais existé, crée un préjudice à Mme Miller qui a le droit d’en être compensée pour des dommages résultant de la résiliation sans motif valable du contrat de travail par RED.
[32] En agissant comme elle l’a fait en utilisant le prétexte qu’il n’existait pas de lien contractuel entre elle et Mme Miller, RED a manqué à l’obligation d’agir de bonne foi qui doit guider la conduite des parties lors de la signature du contrat, de son exécution et de son extinction, ce qui engage aussi sa responsabilité pour des dommages moraux.
[33] La trame factuelle démontre l’existence d’une faute contractuelle suffisante pour engager la responsabilité de RED envers Mme Miller qui a démissionné d’un autre emploi pour accepter un poste d’éducatrice auprès de RED, pour se faire virer dans les circonstances décrites précédemment et laissée à attendre de recevoir l’appel pour débuter son emploi à l’ouverture de la garderie. Quand la garderie débute ses opérations en janvier 2017, RED ne l’a pas appelée et ne l’a pas avisée de la résiliation de son contrat qui pourtant était valide.
[34] La suggestion de RED voulant qu’elle ignorait l’existence de Mme Miller, jusqu’au moment de recevoir la mise en demeure au mois de mars 2017, n’est pas crédible. Il est en preuve que Mme Miller a travaillé deux jours en novembre 2006, lors des activités portes ouvertes tenues dans les locaux de RED qui lui a payé son salaire pour ces deux jours de travail.
[35] Nous sommes ici devant une situation où il y a manquement à une obligation prévue au Code civil du Québec[4] résultant de la répudiation d’un contrat de travail valide.
[36] Le Tribunal conclut que la contestation doit échouer et la demande doit être accueillie en partie.
[37] En regard de la preuve dont il dispose, le Tribunal estime raisonnable d’accorder à Mme Miller à titre de dommages pour perte de salaire le montant de 4 200$, qui est un préjudice résultant de la résiliation de son contrat de travail.
[38] À ce montant s’ajoute la somme de 1 000 $ à titre de dommages moraux pour stress et inconvénients, car sont rencontrés les critères établis par la jurisprudence[5] voulant qu’afin d’octroyer une indemnité pour dommages moraux, il faut que ce préjudice soit la conséquence directe d’un acte fautif de l’employeur et non l’effet ordinaire du congédiement, ce qui est le cas ici.