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Une directrice générale à l’emploi depuis moins de 5 mois reçoit 133 000$ – soit 12 mois – en indemnité de départ

21 décembre 2022

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

 

Dans le jugement de la Cour supérieure Blanchette c. Fabrique de la Paroisse Notre Dame de Montréal, une directrice générale dans la soixantaine se fait remercier de ses services après seulement 5 mois d’emploi, un emploi pour lequel elle semblait avoir été sollicitée. L’employeur plaide que la directrice générale avait accordé un contrat à un géant du multimédia sans l’autorisation du Conseil d’administration, entre autres.

Cela dit, ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas la cause du congédiement, mais bien ses effets, c’est-à-dire l’indemnité de départ. Le juge ayant décidé que les motifs n’était pas suffisants à un congédiement, il accordera donc une indemnité de départ à la directrice générale. Appliquant les critères usuels, le juge en vient à la conclusion qu’il faut accorder 12 mois d’indemnité de départ à la directrice générale, moins les déductions relatives à la mitigation du préjudice.

Voyez ici l’essentiel de la décision :

 

 

 

[458]     Ces commentaires étant émis, la période de probation peut être considérée parmi l’un des éléments à soupeser aux fins de la détermination de la durée du délai de congé, conformément au deuxième alinéa de l’article 2091 C.c.Q.

[459]     En l’espèce, le Tribunal accordera peu de poids à cet élément, puisqu’il a été imposé à Blanchette après sa démission du Musée Pointe-à-Callière.

[460]     Parmi les facteurs dont le Tribunal tiendra compte pour apprécier la période du délai de congé, nous retrouvons :

  1. i)    La sollicitation de Blanchette alors qu’elle occupait un emploi rémunérateur stable[124];
  2. ii)   la volonté initiale des parties de se lier pour plusieurs années ;

iii)   L’âge de Blanchette au moment du congédiement;

  1. iv)la nature du poste occupé;
  2. v)l’importance du poste occupé ;
  3. vi)la difficulté de se trouver un emploi comparable;

[461]     Comme l’exprime la Cour d’appel [125]:

 [54]      Chose fondamentale à ne pas oublier, aucun de ces critères ne doit être examiné isolément. C’est dans une perspective globale qu’ils doivent être prise en compte, ce qui constitue un délai-congé raisonnable étant « essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce ».

[462]     Aux fins de déterminer la durée du délai de congé, le Tribunal fait siens les propos de la juge Catherine La Rosa de cette Cour[126]:

[72]      Un délai-congé de douze mois est fréquent pour le personnel-cadre. En présence d’un membre de la haute-direction, une durée de dix-huit mois peut s’avérer adéquate. Puis, une période de vingt-quatre mois, bien que moins fréquente, est également possible. Elle se situe au maximum de la fourchette.

[463]     Appliquant ces principes au dossier sous étude, le Tribunal considère qu’un délai de congé raisonnable dans les circonstances est de 12 mois. Le Tribunal prend notamment, en considération les circonstances de l’embauche, le poste occupé, les responsabilités liées à l’emploi, les conditions de travail, la durée de l’emploi et les circonstances de la résiliation du contrat de travail, l’âge de l’employée ainsi que le temps requis pour se trouver un nouvel emploi.

[464]     En l’espèce, le contrat d’emploi de Blanchette prévoyait un salaire de 160 000 $ à compter du 31 octobre 2016.

[465]     Bien que cette dernière ait été admissible à une rémunération incitative de 15 %, le Tribunal n’en tient pas compte dans le calcul de l’indemnité et ce, conformément à l’enseignement de la Cour d’appel dans l’affaire Structures Lamerin inc.[127] puisque le versement du boni dépendait d’un rendement et de l’atteinte d’objectifs. Il ne s’agissait donc pas d’un boni garanti, mais plutôt de la possibilité non certaine du versement d’un tel boni.

[466]     Le 15 janvier 2018, Blanchette débute un nouvel emploi à titre de directrice générale du cinéma Impérial pour lequel elle touche un salaire de 140 000 $ par année. Elle est également éligible à une bonification cible de 20 % basée sur des objectifs à établir avec l’employeur. Encore une fois, la bonification ne peut être prise en considération pour les mêmes raisons que celles invoquées plus haut.

[467]     Le montant dû à Blanchette à titre de délai de congé est donc de  133 975 $ établi comme suit:

12 mois d’un salaire annuel de 160 000 $ (22 mars 2017 au 22 mars 2018)  160 000 $

 

Moins le salaire gagné durant la durée du délai de congé, soit du 15 janvier 2018 au 22 mars 2018, ou 2 mois (23 333 $) et une semaine (2 692 $)