Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la très récente décision du Tribunal administratif du travail Clinique dentaire Prestige inc. c. Lussier, l’employeur demande la révision d’un jugement rendu préalablement par le même tribunal, qui en concluait à un congédiement déguisé.
Comme ça arrive à l’occasion, le fin détail des faits de la présente cause ne nous intéresse pas outre-mesure – disons simplement qu’il s’agit d’une hygiéniste dentaire qui se prévalait de journées de congés et qui a refusé un changement de poste, ce que l’employeur avait vu comme une démission, mais qui n’en n’était pas une.
Bref, les recours de la plaignante sont accueillis, elle obtient réparation. Ce voyant, l’employeur demande la révision de la décision, alléguant des vices de procédures, dont celui de l’utilisation de notes en catimini par la plaignante lors de son témoignage en première instance, ce qui est l’objet du présent billet. La plaignante avait d’ailleurs été confrontée à ce sujet lors de la première audience et n’avait pas été parfaitement honnête dans ses réponses.
Le juge qui avait pour mission de réviser la décision rejettera l’argument de cette utilisation des notes comme étant un vice de procédure de nature à invalider le premier jugement.
Voici le détail :
[31] TAT-1 n’a pas tenu compte du fait que la plaignante a témoigné avec des notes lors de l’audience virtuelle alors qu’elle avait signifié ne pas en avoir devant elle. Le témoignage aurait dû être rejeté en son entier.
[32] À ce sujet TAT-1 écrit :
[31] Le Tribunal considère qu’il doit aborder ici la question de la crédibilité des témoins. En effet, l’employeur soutient que l’ensemble du témoignage de la plaignante doit être rejeté en bloc en raison des contradictions qu’il y a relevées. Il insiste également sur un incident survenu lors de l’audience, lors duquel le Tribunal a constaté que la plaignante témoignait avec quelques notes sommaires, malgré qu’elle ait nié le faire lorsqu’il l’a questionné à ce sujet.
[32] Le fait que la plaignante n’ait pas été franche avec Tribunal lorsqu’il lui a demandé si elle témoignait à l’aide de notes nécessite qu’on s’y attarde. Il s’agit d’un comportement blâmable qui est susceptible de porter atteinte à sa crédibilité. Toutefois, il n’y a pas d’automatisme en cette matière.
[33] Après analyse de l’ensemble de la preuve, le témoignage livré par la plaignante apparaît franc et sincère, notamment lorsqu’elle répond aux questions de la représentante de l’employeur sur les fautes que celui-ci allègue. Elle le fait clairement et directement, sans réticence, admettant avoir posé plusieurs gestes que l’employeur lui reproche. Contrairement à ce qu’affirme ce dernier, elle donne les mêmes réponses de façon constante aux questions, souvent posées à plus d’une reprise. Les contradictions soulevées par l’employeur sont plutôt en lien avec les versions données par ses propres témoins ou avec ce qui lui apparaît être plus logique.
[33] Ainsi, TAT-1 en arrive à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de rejeter en bloc le témoignage de la plaignante.
[34] Il s’explique par le fait qu’il a entendu l’entièreté du témoignage de celle-ci et a pu évaluer sa crédibilité malgré le fait qu’elle lui ait menti quant à l’utilisation de notes sommaires lors de son témoignage. Comme le souligne la Cour supérieure dans l’affaire Garage Montplaisir ltée c. Couture[8] :
[103] Or, la jurisprudence nous enseigne qu’en matière de faits, les arbitres qui ont entendu la preuve et observé les témoins qui l’ont rapportée, jouissent d’une situation privilégiée pour déterminer les faits qu’ils retiennent et qu’il n’appartient pas à la Cour supérieure siégeant en révision de substituer son opinion sur les faits à celle des arbitres, à moins d’une erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits (Syndicat de l’enseignement de Champlain c. Morin, [1988] R.J.Q. 1561 (C.A.)).
[35] Ici encore, réitérons que ce n’est pas le rôle du Tribunal siégeant en révision de réévaluer la preuve soumise ainsi que les témoignages entendus.TAT-1 a rendu une décision intelligible et motivée quant au manquement de la plaignante lors de son témoignage et du peu d’impact que cela a eu sur sa crédibilité. Ce quatrième motif est rejeté.