Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la cause du Tribunal administratif du travail Lavallée c. Importations A1 inc., une directrice des ventes qui semblait performante au départ se fait remercier après trois ans à l’emploi d’une compagnie d’import-export.
À la lecture du jugement, le quidam pourrait penser qu’on a un bon dossier contre l’employée. On lui reprochera un manque de communication, des relations conflictuelles, un manque de suivis et un non-respect des procédés. Ces éléments sont même retenus par la juge, qui écrira à son paragraphe 24 :
« La preuve administrée par l’employeur convainc le Tribunal que la plaignante démontre certaines lacunes au niveau de sa communication et de sa collaboration avec les autres gestionnaires et qu’elle ne suit pas toujours les consignes et les procédures établies. La plaignante semble convaincue que sa façon de faire est la bonne et elle semble peu se soucier des procédés en place et de ses autres collègues ou même de sa supérieure. »
Cela dit, la gestion par l’employeur de la suite des choses a fait dérailler son processus, parce qu’il n’a pas suivi formellement les étapes en matière de congédiement administratif. On n’a pas fourni à l’employée de plan de performance, on ne lui a pas donné les outils nécessaires pour s’améliorer et il fallait absolument l’aviser qu’à défaut de corriger ses lacunes, elle perdrait son emploi. Enfin, il faut aussi lui donner les réelles raisons de la perte de son emploi – ici, la discussion de fin d’emploi semblait tourner autour de motifs économiques liés à la COVID.
Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, et malgré l’accueil de la plainte, la juge administrative en arrivera à la conclusion que la réintégration est impossible – les remèdes seront autres.
Voyez ici le résumé des critères applicables en matière de congédiement administratif :
[9] Un congédiement pour incompétence ou rendement insuffisant est considéré comme une mesure administrative puisqu’il sanctionne des manquements indépendants de la volonté de la salariée.
[10] Dans ce type de dossier, le Tribunal n’a pas le pouvoir de substituer au congédiement administratif une mesure moins sévère. Son rôle consiste à vérifier que la fin d’emploi découle véritablement de l’incompétence de la salariée et, dans l’affirmative, à s’assurer que l’employeur a respecté ses obligations avant de procéder au congédiement[2]. Comme le mentionnait le Tribunal dans l’affaire Seillon c. Tidan inc.[3] :
[13] En présence d’un congédiement administratif, le Tribunal procède à un contrôle de la rigueur du processus suivi par l’employeur. Ce contrôle consiste à vérifier si le congédiement a été imposé de mauvaise foi, de façon abusive, discriminatoire ou déraisonnable. L’intervention du Tribunal se limite à confirmer la décision de l’employeur ou à l’annuler.
[11] Les critères applicables à un congédiement administratif en cas d’incompétence ou de rendement insuffisant établis par la jurisprudence et confirmés par la Cour d’appel dans l’arrêt Costco[4] sont les suivants :
- Le salarié connaît les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard;
- Ses lacunes lui ont été signalées;
- Il a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
- Il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
- Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.