Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la cause très récente du Tribunal administratif du travail Gagnon c. Société en commandite Airbus Canada, un analyste Assurance Qualité, ayant gravi les échelons de l’entreprise jusqu’à l’attribution du titre de délégué du ministre fédéral des transports, est licencié 5 ans après son embauche pour des motifs économiques, plus précisément reliés à l’épidémie mondiale de COVID-19.
Nous avons vu dans ce blogue à maintes reprise le principe : si l’employé a deux ans de service continu à son actif, il peut se prévaloir de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, qui pourrait mener à sa réintégration si l’employeur ne réussit pas (1) à prouver les motifs économiques du licenciement ou (2) qu’il est établit que le processus suivi ayant mené à à la liste des employés qui feraient les frais dudit licenciement était teinté de quelque partialité.
Dans le cas qui nous occupe, l’employeur se décharge du premier de ces fardeau et il incombe ensuite au plaignant de contester l’objectivité du processus, pour lequel il n’arrive pas à convaincre la juge.
Voyez la façon dont la juge administrative motive sa décision :
[19] L’article 124 de la LNT confère aux salariés ayant au moins deux ans de service continu dans une même entreprise une protection à l’encontre d’un congédiement sans cause juste et suffisante.
[20] Cette disposition ne trouve cependant pas application lors d’un licenciement.
[21] Comme nous l’enseigne la Cour d’appel du Québec[6], le licenciement, contrairement au congédiement, entraîne une fin d’emploi pour des motifs qui ne sont pas attribuables au salarié :
[18] La frontière entre ces deux concepts est parfois bien mince, comme le montrent les discussions dont ils ont fait l’objet en jurisprudence. Le licenciement est une rupture complète du lien d’emploi pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Au contraire, le congédiement postule que l’employeur a toujours besoin des services de l’employé, mais, pour une raison ou une autre, n’entend plus qu’ils soient désormais rendus par celui-ci (Léveillée c. Murs secs Jalap inc.) […]
[Note omise]
[22] Il incombe par ailleurs à l’employeur qui invoque un licenciement d’en faire la preuve. Il doit ainsi démontrer l’existence de motifs d’ordre économique ou organisationnel et établir que la fin d’emploi du salarié ciblé en résulte véritablement. La présence de tels motifs ne peut en effet servir de prétexte pour camoufler un congédiement déguisé et se débarrasser d’un salarié indésirable[7].
[23] Dans cette perspective, le Tribunal peut se pencher sur les critères de sélection retenus par l’employeur pour décider de mettre fin à l’emploi d’un salarié. Bien qu’il ne puisse s’ingérer dans la gestion de son entreprise, le Tribunal a néanmoins le pouvoir de s’assurer que l’employeur a appliqué des critères de sélection objectifs, impartiaux et non inspirés d’éléments subjectifs propres au salarié ciblé[8].
[24] À compter du moment où un employeur a démontré l’existence de réels motifs économiques ou organisationnels et la nécessité de procéder à des suppressions de postes en conséquence, il incombe cependant au salarié de démontrer qu’à son égard, les critères retenus ont été partiaux, illicites ou discriminatoires[9].