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Un directeur général reçoit une indemnité de départ de 18 mois

5 février 2024

Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge

 

 

Dans une cause de la Cour supérieure de 2003, confirmée en appel, Ben-Hamadi c. Musitechnic Services Éducatifs Inc., un employé prétend avoir été congédié sans indemnité de départ et d’une façon illégale et abusive.

 

Après plusieurs années lors desquelles il s’est toujours bien acquitté de ses tâches, l’employé se fait offrir un poste cumulant ses fonctions actuelles de directeur des études avec les fonctions de directeur général. L’employé accepte mais ressent toutefois quelques tensions avec sa supérieure. Sa condition de santé se détériore et il part en congé de maladie. Alors que l’employé envisage un retour au travail, il propose d’abandonner les fonctions de direction générale pour se consacrer entièrement à la direction des études. C’est à ce moment que l’employeur lui demande de signer une lettre de démission, ce qu’il refuse.

 

L’employé reçoit alors une lettre de congédiement énumérant les motifs ayant conduit au congédiement, soit le manque de loyauté, le comportement inadéquat envers le personnel féminin, des failles importantes au niveau de la direction, un manque d’assiduité et l’inexécution de plusieurs tâches.

 

L’employé réclame donc une compensation à son employeur en raison de son congédiement qu’il considère illégal.

 

L’employeur plaide qu’il était bien fondé de le congédier sans préavis compte tenu des faits et gestes de ce dernier, à savoir, un manque de loyauté et une concurrence déloyale entraînant une rupture définitive du lien de confiance. L’employeur plaide également que l’employé ait démissionné implicitement en voulant réduire ses responsabilités.

 

La juge estime que le travail de l’employé était irréprochable et la preuve ne démontrait pas qu’il avait agi de manière déloyale. Le refus de l’employé de signer la lettre de démission prouve également qu’il n’avait pas l’intention de démissionner. Un délai de congé de 18 mois est donc accordé.

 

Voyez la façon dont la juge motive sa décision :

 

[334] Ben-Hamadi ne pouvait être congédié sans que ne lui soit donné un préavis raisonnable ou sans que ne lui soit payée une indemnité de délai de congé en tenant-lieu.

[335] Musitechnic n’avait pas de motif sérieux ou de cause juste et suffisante pour mettre fin, sans préavis ou indemnité, au contrat de travail de Ben-Hamadi.

[336] Les postes occupés par Ben-Hamadi (directeur général et directeur des études) étaient névralgiques: les deux plus importants postes de la haute direction du collège.

[337] Ben-Hamadi était à l’emploi de Musitechnic depuis huit ans: il s’était dévoué sans compter. Jamais Musitechnic ne lui a fait de reproches quant à la qualité de sa prestation de travail, au contraire. La preuve révèle que sous la gouverne de Ben-Hamadi à titre de directeur des études, Musitechnic a toujours obtenu 100% lors des évaluations du Ministère de l’éducation.

[338] Ben-Hamadi a droit à un préavis (délai de congé) qui tienne compte de la nature toute particulière du milieu où il oeuvrait, de son expérience, de ses compétences, de son âge et des difficultés à se trouver un emploi similaire eu égard, notamment, au fait qu’il ne détient pas le diplôme qui lui permettrait d’appliquer dans le réseau public et au contexte économique prévalant dans le milieu des collèges d’enseignement privé.

[340] À la lumière des critères exposés ci-haut, appliqués aux circonstances en l’espèce, le Tribunal fixe à 18 mois le préavis en tenant compte qu’il n’y aura pas de réduction par compensation des sommes gagnées ou reçues au cours de cette période. Il retient que ce sont les faits et gestes de Musitechnic qui ont provoqué la rechute de Ben-Hamadi et retardé le moment où, réellement et efficacement, il a été en mesure de se consacrer à la recherche d’un nouvel emploi (février 1999 seulement). À noter, de plus, qu’à ce moment les conditions du marché de l’emploi lui étaient moins favorables. La preuve a révélé que Ben- Hamadi était encore à la recherche d’un emploi au moment du procès, malgré des efforts sérieux et des démarches nombreuses.

[341] Ben-Hamadi a donc droit de recevoir, selon les termes de son contrat de travail (pièce P-1) et sans réduction, toutes les sommes qu’il aurait reçues, ou dont il aurait eu le bénéfice pendant cette période de 18 mois.