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24 mois d’indemnité de départ pour une gestionnaire qui comptait 33 ans d’ancienneté

8 septembre 2022

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

 

Dans Caisse populaire c. Manon Girard, une décision récente de la Cour d’appel, on confirme une indemnité de départ de 24 mois donnée à une gestionnaire de 52 ans qui était à l’emploi de la compagnie depuis 33 ans.

Une des parties intéressantes du jugement a trait à au fameux « plafond » des 24 mois des indemnités de départ – le but de celles-ci étant généralement d’offrir un pont financier à un ex employé qui le mène de sa fin d’emploi à un nouvel emploi. Existe-t-il des instances où 24 mois ne seraient pas suffisants pour se retrouver un emploi?

Il appert que oui… mais pas dans ce cas.

Voici ce qu’en pensent les juges de la Cour d’appel, et nous attirons votre attention sur le paragraphe 35, qui est une indication claire qu’on pourrait accorder un délai de congé supérieur à 24 mois :

 

[32]      Enfin, les deux parties demandent à la Cour de modifier la durée du délai-congé. Selon la Caisse, il ressort de la jurisprudence que, dans les cas analogues à celui de Mme Girard, le délai-congé raisonnable « se situe entre 4 et 18 mois, 12 mois étant plutôt la norme ». De son côté, comme déjà mentionné, Mme Girard estime avoir droit à un délai-congé de 36 mois.

[33]      Sur ce point, les deux appels doivent échouer. Eu égard à l’ensemble des circonstances, en particulier l’âge de Mme Girard (52 ans), son parcours au sein du Mouvement Desjardins depuis 35 ans et le niveau hiérarchique élevé du poste qu’elle occupait, le délai-congé de 24 mois accordé par le juge n’est pas exagéré. Il peut paraître généreux au regard des précédents soumis par la Caisse, mais il n’est pas long au point de contrevenir au caractère strictement indemnitaire du délai-congé ou de rendre illusoire l’exercice du droit de la Caisse de mettre fin au contrat d’emploi d’un gestionnaire.

[34]      Le délai-congé de 24 mois n’est pas non plus insuffisant. Mme Girard a volontairement laissé un emploi à la Caisse Desjardins de l’Ouest de Portneuf, emploi qu’elle occupait depuis environ dix ans, pour relever un nouveau défi à la Caisse. Elle savait que sa nomination comportait une période de probation (d’une portée relative[19], j’en conviens) et, selon l’article 2091 C.c.Q., la Caisse pouvait mettre fin à son contrat en lui donnant un délai-congé raisonnable. Comme on vient de le voir, la durée du délai‑congé ne doit pas rendre illusoire l’exercice de ce droit.

[35]      Incidemment, je n’interprète pas l’arrêt Aksich c. Canadian Pacific Railway[20] comme établissant un « maximum absolu » ou une sorte de plafond en matière de délai‑congé. La jurisprudence de la Cour est plutôt qu’un délai-congé raisonnable dépend des circonstances propres à chaque cas et, pour reprendre les termes du juge Baudouin dans l’arrêt Standard Broadcasting Corporation Ltd. c. Stewart, « d’une impressionnante conjonction de facteurs »[21]. D’ailleurs, dans cet arrêt, maintes fois cité, le juge Baudouin ajoute ceci :

L’autorité du précédent doit donc être jaugée ici avec circonspection, même si les nombreuses décisions en la matière, par leur sagesse collective, apportent des points de comparaison intéressants.[22]

[36]      La juge Bich, pour la majorité, exprime la même réserve dans Aksich : « [t]out est question de fait et d’espèce cependant, les précédents n’ayant en cette matière qu’une valeur relative »[23].

[37]      En l’espèce, compte tenu de la position privilégiée du juge et de la déférence qui lui est due, j’estime qu’il n’y a pas lieu de modifier la durée du délai-congé, ni dans un sens ni dans l’autre.