Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration d’Océane Marceaux
Dans une décision de 2014, Allstate du Canada c. Daunais, la Cour d’appel se prononce sur l’indemnité de départ et les dommages moraux accordés à l’intimée par la Cour supérieure.
Après 32 ans de service au sein de la compagnie appelante, on met fin à l’emploi de l’intimée, à la suite d’une conversation qu’elle a eue avec la directrice des ressources humaines, conversation qui a été rapportée aux supérieurs de la compagnie. Au cours de cet échange, l’intimée s’était confiée sur ses préoccupations concernant son nouveau poste de cadre de premier niveau, le tout s’inscrivant dans un contexte où l’employeur avait déjà des doutes quant à sa capacité à occuper cette nouvelle fonction. Elle obtient un délai de congé de 18 mois de la part de son employeur.
La question que doit trancher la Cour supérieure en première instance est celle de déterminer si le délai accordé à Mme Daunais est raisonnable, et si elle doit recevoir des dommages moraux, des dommages exemplaires, une compensation pour perte future de prestations de retraite pour cause d’abus de droit et le remboursement des frais d’expert. La Cour lui octroie un délai de congé de 24 mois ainsi que 20 000$ en dommages moraux.
Cependant, la Cour d’appel ne souscrit pas à cette décision, estimant que le délai est excessif et que les dommages moraux sont injustifiés. Elle revient plutôt à l’offre originale de l’employeur, soit de 18 mois.
Voyez la façon dont le juge motive sa décision :
[5] Premièrement, ce n’est qu’exceptionnellement qu’un délai de congé pourra aller jusqu’à 24 mois dans le cadre de l’exercice de la faculté reconnue à un employeur de mettre fin sans motif à un contrat à durée indéterminée (art. 2091 C.c.Q.) (Aksich c. Canadian Pacific Railway, 2006 QCCA 931, par. 124; Hemens c. Sigvaris Corp., 2004 CanLII 42042 (QC CA), 2004 R.J.Q. 2918 (C.A.), par. 55).
[6] La juge de première instance ajoute six mois au délai de congé offert par l’employeur parce qu’elle lui reproche d’avoir agi sans motif, cela constitue une négation du droit de l’employeur de mettre fin au contrat d’emploi à durée indéterminée, sans cause, droit prévu à l’art. 2091 C.c.Q.
[7] En l’espèce, considérant les 32 années de service auprès de l’appelante, où elle avait récemment été promue à un poste de directrice d’agence, le délai de congé de 18 mois offert par l’employeur au moment de la terminaison était raisonnable.
[8] Il y a lieu d’ajouter que la période de délai de congé accordée par l’appelante à l’intimée qui avait alors pratiquement 52 ans, lui permettait de devenir éligible à une préretraite à compter de la fin de la période du délai de congé de 18 mois.
que[9] De surcroît, la période ajoutée correspond pour l’essentiel à des mois où l’intimée occupait un nouvel emploi de directrice principale, développement de marché, chez Alpha Assurances, ce qu’avait pourtant souligné la juge à deux reprises dans son jugement[1]. La juge, en ne respectant pas le principe du caractère strictement indemnitaire du délai de congé, sans tenir compte de l’obligation de mitiger de l’intimée, commet une erreur de droit justifiant l’intervention de cette Cour.
[10] Quant aux dommages moraux, on ne retrouve au dossier aucun élément de preuve d’un comportement abusif dans la manière de mettre fin au contrat de travail qui permettrait de conclure que l’intimée avait droit à des dommages additionnels (Standard Broadcasting Corp. c. Stewart, 1994 CanLII 5837 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1751 (C.A.); Shire Biochem inc. c. King, 2003 CanLII 10770 (QC CA), D.T.E. 2004T-76 (C.A.); Ponce c. Montrusco & Associés inc., 2008 QCCA 329 (CanLII), D.T.E. 2008T-201 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, no. 32569; LeFrançois c. Canada (Procureur général), 2010 QCCA 1243, par.74).