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Fin d’emploi : la Cour d’appel explique clairement le recours permettant la réintégration et les indemnités de départ

25 octobre 2022

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

 

 

Dans une décision de la Cour d’appel, Jacques Lévesque c. Marlin Chevrolet Buick GMC inc., on explique les concept d’indemnité pour perte salariale ainsi que l’indemnité pour perte d’emploi.

Les faits de la cause intéressent peu ce blogue, et il n’est utile que de savoir que nous sommes en situation de fin d’emploi. Quand on débute un recours en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, on peut demander une indemnité pour perte salariale et sa réintégration. Théoriquement, la notion de délai de congé n’apparaît qu’à l’article 2091 du Code civil du Québec, et mène à un recours de droit commun – on voit d’ailleurs plusieurs causes en Cour du Québec ou en Cour supérieure à ce chapitre.

La Cour d’appel explique ici ce qui se passe avec l’indemnité pour perte salariale quand on ne réintègre pas un travailleur :

 

[47]      La raison d’être du recours prévu par l’article 124 LNT (et ce qui le distingue du recours de droit commun en vertu de l’article 2091 C.c.Q.) est la possibilité d’ordonner la réintégration du salarié : « [c]e n’est pas seulement que la réintégration peut être ordonnée par la CRT [maintenant le TAT], elle doit l’être, à moins que le salarié y renonce ou que l’employeur ne démontre l’existence d’un obstacle réel et sérieux et l’impossibilité ou l’infaisabilité d’une telle mesure »[17].

[48]      Parmi les autres pouvoirs de réparation prévus à l’article 128 LNT, le TAT peut ordonner le paiement d’« une indemnité jusqu’à un maximum équivalant au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié ». Il s’agit de l’IPS.

[49]      Dans le scénario où le salarié est réintégré, l’IPS représente généralement le salaire que le salarié aurait gagné pour la période entre son congédiement et sa réintégration afin d’assurer sa pleine indemnisation. Ce montant est un maximum – il peut être réduit par le salaire que le salarié a gagné ou aurait dû gagner ailleurs durant cette période et par les périodes où le salarié était inapte au travail[18].

[50]      Le TAT peut aussi réduire l’IPS s’il juge que le délai pour obtenir la réintégration est trop long. Règle générale, l’employeur supporte les délais qu’occasionne l’adjudication d’une plainte fondée résultant de son geste de congédier le salarié sans cause juste et suffisante : « la fixation de l’indemnité pour perte de salaire est “tributaire des délais inhérents au système d’adjudication”»[19] et ce n’est pas au salarié de « supporter les conséquences des délais d’audition »[20]. Toutefois, le TAT peut pondérer la période d’évaluation de l’IPS lorsque le salarié adopte un comportement fautif qui contribue au délai.

[51]      L’analyse est moins claire dans une situation comme la nôtre où le salarié fait une plainte sous la LNT, mais n’est pas réintégré. Qu’en est-il de l’IPS dans ces cas?

[52]      Le TAT peut ordonner une IPS malgré l’absence de réintégration[21].

[53]      Lorsque le salarié demande la réintégration, mais se la voit refusée, l’IPS court généralement du moment de son congédiement jusqu’à la décision refusant la réintégration. Cela me semble logique, considérant que le salarié est pendant cette période dans l’attente d’être réintégré et n’est pas nécessairement en position de trouver un emploi ailleurs.

[54]      La date de fin de l’IPS devient moins évidente lorsque le salarié ne demande pas sa réintégration, change d’idée en cours de route ou encore sait ou devrait savoir depuis le départ qu’il ne s’agit pas d’une réparation appropriée dans les circonstances. De toute façon, la date de fin de l’IPS perd de son importance dans ces cas, si le salarié reçoit aussi une IPE. En principe, l’IPS et l’IPE se complètent – l’IPS rembourse le salaire perdu alors que l’IPE, lorsqu’accordée, représente la valeur prospective de la perte de l’emploi[22]. Si l’IPS est calculée jusqu’à une certaine date et que l’IPE est évaluée à cette même date, elles indemnisent le salarié de façon complète pour son congédiement, peu importe la date retenue.