Dans la cause Lortie c. Deslauriers, la Cour supérieure est saisie d’une demande en résolution de la vente d’une maison suite à la découverte de vices cachés.
Dans cette affaire, la demanderesse a acheté la maison des défendeurs en 2014 pour la somme de 1 875 000$. Quelques années plus tard, en 2019, la demanderesse découvre une présence anormale d’humidité dans les murs, de même que de la moisissure suite à la réalisation de certains travaux dans la maison. Elle informe les défendeurs de la découverte de ces vices cachés au mois d’août 2019.
En mars 2020, la demanderesse s’adresse à la Cour afin d’obtenir la résolution de la vente de la maison ainsi que le remboursement par les défendeurs du prix d’achat de la maison, des intérêts, des impenses et de diverses dépenses en contrepartie de la remise de la maison aux défendeurs. Pour leur part, ces derniers s’opposent à cette demande et prétendent plutôt que la moisissure correspond à un vice de peu d’importance ne donnant pas ouverture au recours en résolution de la vente. C’est cette prétention des défendeurs qui retient l’attention de cet article de blogue, une prétention que la Cour réfutera.
En effet, le recours à la résolution d’un contrat peut seulement être écarté si le vice est de peu d’importance, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Voyez la façon dont le juge motive sa décision :
[119] Si le Tribunal conclut que le vice est de peu d’importance, la demande en résolution doit être écartée. Le demandeur doit faire la démonstration que s’il avait connu les vices il n’aurait pas acheté́ ce bien. Dans ce cas, la résolution doit être accueillie. Il faut donc écarter l’hypothèse que l’acheteur l’aurait acheté́ à plus bas prix. Aussitôt qu’on établit que le bien est impropre à l’usage auquel on le destine, le recours en résolution s’ouvre pour le créancier.
[120] Les procureurs en demande et défense ont voulu justifier l’importance du vice en établissant le ratio entre le prix d’achat de la Maison et les coûts de réparation estimés par leurs experts respectifs. En demande, la valeur des réparations est estimée à plus de 750 000 $ et suivant certaines hypothèses elle pourrait avoisiner le million de dollars.
[121] En défense, elle ne devrait pas excéder 200 000 $. Le ratio en demande s’élève à 40% (750 000 $/1 875 000 $) et pour la défense à 11% (200 000$/1 875 000 $).
[122] Ce type de comparaison est source de plusieurs problèmes. Tout d’abord, le Tribunal doit fixer la valeur des travaux dans un contexte où deux experts peuvent avoir des visions bien divergentes en tenant compte de divers facteurs (nature des travaux, valeur des travaux, méthode de réparation, qualité́ de la réparation). Dans l’hypothèse où le bien est impropre à l’usage auquel on le destine, le créancier n’a pas l’obligation d’établir la valeur des travaux de réparation. Tout ceci dans un contexte où la vente peut avoir été réalisée il y a plusieurs années (tel qu’ici en 2004) alors que les réparations sont estimées au jour de la découverte des vices. Doit-on tenir compte de l’inflation, d’une dépréciation?
[123] Avec respect, nous sommes en désaccord avec les procureurs en défense qui estiment que la résolution n’est disponible à l’acheteur que si la gravité du vice est exceptionnelle ou particulièrement grave.
[124] L’article 1604 C.c.Q. écarte le choix à la résolution que si le vice est de peu d’importance.
[127] Le Tribunal conclut que les vices et leurs conséquences dans la présente affaire ne sont pas de peu d’importance. La présence d’organismes fongiques produisant des spores qui empêchent de jouir de la Maison en toute sécurité́, la nécessité́ de nettoyer les éléments de structure en bois qui seront conservés afin d’éradiquer les organismes fongiques, la présence d’eau et d’humidité́ à l’intérieur du mur de structure de bois (fond de mur), le pourrissement de plusieurs éléments de la structure de bois, l’effritement du carton-fibre, la difficulté́ d’obtenir les garanties de la part des entrepreneurs qui exécuteront les travaux, le risque de découverte de nouveaux éléments viciés, le caractère incertain de la résolution des désordres à long terme, la difficulté́ de revente de la Maison ayant eu ces vices qui devront être dénoncés par le vendeur, sont toutes des conséquences qui découlent des vices et qui ne peuvent pas être qualifiés de peu d’importance.