arrow_back Retour aux articles

La rétrogradation: comment éviter un congédiement déguisé

23 janvier 2024

Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge

 

 

 

Dans une cause du Tribunal administratif du travail, Del Carmen Turcios c. Aliments Sunchef Inc., une employée dépose une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante, estimant que sa rétrogradation est un congédiement déguisé.

 

Après avoir promu cette employée comptant plusieurs années d’expérience, l’employeur constate des lacunes dans son travail. L’employeur lui remet donc un plan d’amélioration et effectue un suivi administratif auprès de cette dernière. Ne constatant aucune amélioration, il met fin à son emploi tout en lui offrant la possibilité de reprendre son ancien poste, ce qu’elle accepte. Elle dépose ensuite une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante selon l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, estimant que la rétrogradation est un congédiement déguisé.

 

L’employeur dit avoir respecté ses obligations avant de rétrograder la plaignante.

 

Le juge administratif admet que la rétrogradation de la plaignante constitue une importante modification à son contrat de travail, pouvant être considérée comme un congédiement déguisé. Cependant, il estime que l’employeur a respecté ses obligations concernant la rétrogradation d’un employé. La plainte est donc rejetée.

 

Une rétrogradation doit suivre les mêmes critères que ceux qui régissent un congédiement administratif, que nous trouvons ci-contre :

 

 

 

[85] Précisons d’emblée qu’un employeur peut rétrograder un salarié au rendement insuffisant dans la mesure où il respecte les obligations qui lui incombent. Comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Farber :

[…] l’employeur peut faire toutes les modifications à la situation de son employé qui lui sont permises par le contrat, notamment dans le cadre de son pouvoir de direction.

D’ailleurs, ces modifications à la situation de l’employé ne constitueront pas des modifications du contrat de travail, mais bien des applications de ce dernier.

[Notre soulignement]

[86] Dans le cas d’un salarié qui bénéficie de la protection résultant de l’article 124 de la LNT, comme c’est le cas de la plaignante, un employeur qui exerce son pouvoir de direction pour lui imposer une fin d’emploi ou une rétrogradation pour un motif d’ordre administratif doit respecter les mêmes exigences que celles établies par la jurisprudence en matière de congédiement administratif, à savoir :

  • L’employeur a fait connaître au salarié ses politiques et ses attentes;
  • Il a avisé le salarié qu’il ne satisfait pas ses attentes et doit se corriger dans un délai raisonnable, sinon il risque le congédiement;
  • Il a donné au salarié le soutien nécessaire pour se corriger et satisfaire à ses attentes.

[…]

[100] En conclusion, la preuve prépondérante révèle que le travail de superviseur de la plaignante présente des lacunes importantes et persistantes, que l’employeur les lui communique en réitérant ses attentes à ce sujet. Puis, il met en place un PAP et un suivi administratif qui satisfont les exigences en la matière, pour finalement conclure à l’absence d’amélioration et à la nécessité de rétrograder la plaignante.

[…]

[102] Par conséquent, la rétrogradation survenue en août 2020 ne constitue pas un congédiement déguisé. La première plainte déposée selon l’article 124 de la LNT doit donc être rejetée.