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Le droit de taxation des municipalités quant aux améliorations locatives — centres d’infonuagique

28 juin 2022

Par Me Sergiu Suciu et Me Justin Bracaglia, avec la collaboration d’Émilie Faubert

 

 

Dans le présent billet de blogue, nous analyserons un concept connu des juristes : le concept d’immobilisation par attache. Le législateur codifié ce concept à l’article 903 du Code civil du Québec. Cet article indique ce qui suit :

 

Les meubles qui sont, à demeure, matériellement attachés ou réunis à l’immeuble, sans perdre leur individualité et sans y être incorporés, sont immeubles tant qu’ils y restent et assurent l’utilité de l’immeuble.

Toutefois, les meubles qui, dans l’immeuble, servent à l’exploitation d’une entreprise ou à la poursuite d’activités demeurent meubles.

 

C’est notamment sur la base de cet article que la Cour d’appel a rendu, le 4 août 2021, un important arrêt relativement à deux appels en matière de contrôle judiciaire du Tribunal administratif du Québec, division des affaires immobilières (« TAQ »).  La Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel des demanderesses en date du 26 mai 2022.

Le litige concerne deux dossiers dans lesquels Société Immobilière IMSO Inc. (ci-après « IMSO ») et Société en commandite Locoshop Angus (ci-après « Locoshop ») contestent l’évaluation municipale effectuée par la Ville de Montréal (« Ville ») relativement à leurs immeubles aux fins des calculs des taxes municipales et scolaires.

L’appelante, la Ville, se pourvoit contre deux jugements rendus par la Cour supérieure ayant rejeté ses demandes de pourvoi en contrôle judiciaire relativement aux jugements de la Cour du Québec rendus en appel des décisions émanant du TAQ. Les dossiers qui étaient en appel portent sur la notion d’immobilisation par attache d’un bien meuble au sens de l’article 1 de la Loi sur la fiscalité mobilière (« L.f.m. »). En résumant cet appel en quelques mots, il s’agit de décider si des équipements servant à l’hébergement de serveurs informatiques sont des meubles “attachés à demeure” à l’immeuble dans lequel ils se trouvent et, par conséquent, des immeubles devant être portés au rôle d’évaluation foncière.

Dans le premier dossier visant l’intimée Locoshop, le TAQ a conclu que malgré le fait que les équipements informatiques soient des biens meubles attachés à l’immeuble, ils ne le sont pas à demeure donc ils ne sont pas susceptibles d’être portés au rôle d’évaluation foncière. La Cour du Québec a rejeté l’appel de la Ville.

En revanche, dans le deuxième dossier visant l’intimée IMSO, le TAQ a conclu que les équipements informatiques se qualifient sous la notion d’immobilisation par attache d’un meuble et donc soumis au rôle d’évaluation foncière. La Cour du Québec a accueilli l’appel d’IMSO.

À la suite des jugements en appel et du rejet des demandes de pourvoi en contrôle judiciaire, la décision est à l’effet que les équipements sont considérés comme des immeubles par attache et ne sont pas, en conséquence, portés au rôle d’évaluation foncière.

Pour conclure qu’un bien meuble attaché à l’immeuble l’est à « demeure » en ce qui a trait à la destination de l’immeuble, la Cour d’appel souligne qu’il est essentiel de prendre en considération son degré d’utilité ou de complémentarité avec l’immeuble ou ses composantes et ne pas limiter son appréciation qu’à la fonction de l’entreprise qui y est exploitée. De plus, on pourra conclure à la qualité de « demeure » d’un bien meuble attaché au moyen d’une présomption absolue ou par le constat d’un lien intellectuel. En l’absence de preuve contraire, le bien sera présumé comme étant attaché à demeure à un immeuble soit par une attache physique ou autrement immobilisée. Si la preuve démontre que l’attache a un caractère temporaire, il faudra évaluer le lien intellectuel ou le rapport de destination qui existe entre le bien et l’immeuble afin d’apprécier s’il est attaché à demeure ou non.

La Cour d’appel souligne davantage qu’il ne faut pas confondre la notion de lien intellectuel avec celle de l’« utilité à l’immeuble ». Un bien peut être qualifié comme étant meuble attaché à demeure même s’il ne sert aucunement à l’utilité de l’immeuble. Le bien doit servir à complimenter l’immeuble ou ses composantes.

Finalement, la Cour d’appel rappelle qu’un immeuble n’est pas obligé d’avoir une vocation particulière afin de conclure à l’immobilisation par attache d’un bien meuble. Il s’agit seulement de prouver que le bien est nécessaire pour compléter l’immeuble ou ses composantes. La Cour d’appel conclut donc que les équipements informatiques sont des meubles attachés à demeure à l’immeuble dans lequel ils se trouvent et doivent être portés au rôle d’évaluation foncière.