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L’opportunité d’expliquer la différence entre un licenciement et un congédiement

24 avril 2023

 

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans la récente décision du Tribunal administratif du travail Licata c. Pastene Enterprises ULC, une employée perd malheureusement son travail après une restructuration du service à la clientèle : on a « aboli son poste ». Cette employée l’était depuis 5 ans, ce qui lui donnait ouverture à la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante de la Loi sur les normes du travail.

Les faits de la cause intéressent moins ce blogue – ce type de cause est légion au Tribunal administratif du travail. Cependant, il nous permet d’expliquer simplement la différence entre un licenciement et un congédiement, des termes souvent utilisés comme des synonymes par le commun des mortels.

Or, les raisons de l’un et de l’autre et leurs conséquences ne pourraient être plus différentes.

Quand on congédie quelqu’un, on se débarrasse d’un employé indésirable. Dépendamment des faits, il pourrait y avoir ouverture à une indemnité de départ ou non. On voudra alors remplacer l’ex-employé par un autre employé, parce le poste existe encore.

Quand on licencie quelqu’un, on ne reproche rien à l’employé et on lui doit une indemnité de départ. L’entreprise peut avoir décidé, comme c’est le cas dans la présente cause, d’abolir un poste pour des questions d’efficacité. Ainsi, on ne remplacera pas l’employé qui quitte.

Voyez ici dans les mots de la juge et des enseignements jurisprudentiels :

 

 

 

[9]         La plaignante cumule plus de deux ans de service continu auprès de l’employeur. L’article 124 de la LNT lui offre donc une protection à l’encontre d’un congédiement sans cause juste et suffisante. Cependant, ce droit ne l’immunise pas à l’encontre d’un licenciement véritable. 

[10]      Le licenciement se définit comme une fin d’emploi justifiée par des raisons propres à l’entreprise et à ses besoins de main-d’œuvre, tandis que le congédiement est mû par l’idée de se débarrasser d’une personne salariée indésirable[3].

[11]      La Cour d’appel[4] a distingué ces notions juridiques comme suit :

La notion de congédiement implique que l’employeur a toujours besoin des services que lui fournissait l’employé mais qu’il ne désire plus que ces services soient rendus par l’employé qui est congédié. L’employeur licencie son employé lorsqu’il n’a rien à lui reprocher mais qu’il n’a plus besoin des services que lui rendait cet employé.

 

[Notre soulignement]

 

 

[12]      Dans l’affaire Selivanov[5], la Commission des relations du travail[6] a résumé ainsi les règles de preuve applicables pour déterminer si la fin d’emploi était réellement justifiée par les besoins de l’entreprise plutôt que par l’idée de se départir de la personne salariée :

[27]     En somme, en matière de licenciement, l’employeur doit prouver, par prépondérance des probabilités, que les motifs d’ordre économique ou organisationnel sont réels. Il doit aussi établir que la fin d’emploi du salarié découle nécessairement de ces motifs. Ces derniers ne peuvent pas servir de prétexte pour camoufler un congédiement déguisé et l’employeur doit établir des critères de sélection du salarié licencié qui sont raisonnables, c’est-à-dire objectifs, impartiaux et non inspirés d’éléments subjectifs propres au salariéLe cas échéant, il appartient au salarié de faire la preuve que les motifs économiques ou organisationnels ne sont pas fondés ou, qu’à son égard, les critères de sélection de l’employeur sont partiaux, illicites ou déraisonnables. À tout le moins, le salarié doit démontrer des indices ou des éléments révélant que le licenciement constitue un prétexte visant à camoufler un congédiement déguisé.

 

[Notre soulignement]