Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans une récente décision du Tribunal administratif du travail Conca c. Nova Pro Logistique inc., une employée est mise à pied par son employeur… ou serait-ce plutôt par ses trois employeurs?
L’employée en question ne s’est jamais rendu compte qu’elle percevait théoriquement un salaire de trois entités distinctes. L’employée n’avait déposé une plainte que contre l’un des employeurs (Airpro Transport), le seul pour lequel elle croyait réellement travailler. Sa représentante lui fait remarquer que son salaire et son relevé d’emploi ont été fourni par deux autres entités, et c’est ainsi qu’on décide de demander de joindre deux employeurs au recours. Celle demande est acceptée ex parte, l’employeur « principal » se déclarant inactif lors d’une demande de remise préalable.
Ainsi, les trois entreprises étaient à ce point imbriquées qu’on constate leur osmose, la plaignante ayant gain de cause dans sa plainte en congédiement sans cause juste et suffisante.
Voyez ici le passage pertinent :
[9] Pour conclure à l’osmose entre deux entités ou plus, le Tribunal doit être en mesure de constater que les structures et les ensembles apparents d’éléments organisés aux fins de la réalisation des objectifs sont imbriqués au point de ne constituer en réalité qu’une seule et même entreprise[3].
[10] Du point de vue de la plaignante, elle n’a toujours eu qu’un employeur, soit Airpro Transport. À la lumière de la preuve présentée, le Tribunal est également d’avis qu’il y a osmose entre les trois entreprises défenderesse qui constituent un seul employeur. Voici pourquoi.
[11] La plaignante est préposée au service à la clientèle pour une entreprise qui assure le transport de marchandises par voie aérienne. Elle travaille physiquement à un seul endroit, situé dans des bureaux à Lachine. Au cours de ses cinq années d’emploi, ses tâches ont toujours été les mêmes. Il en va de même pour son horaire de travail qui est du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h. Elle oeuvre au sein d’une équipe d’environ 15 employés.
[12] Lorsqu’elle répond aux appels des clients, la dénomination qu’elle utilise est toujours Airpro Transport. D’ailleurs, les appels entrants passent tous par un seul et même numéro de téléphone. Un seul numéro de fax est utilisé.
[13] Lorsqu’elle communique par courriel, son adresse professionnelle indique Airpro Transport, de même que sa signature électronique, à laquelle on retrouve le logo de cette entreprise.
[14] Pour chaque période de paie, la plaignante reçoit un seul chèque. En fait, elle n’a jamais eu conscience que son salaire provenait de trois entreprises différentes. C’est lors de la préparation du présent dossier avec sa procureure que cette dernière le lui fait réaliser. Cela n’a toutefois d’aucune manière affecté sa façon d’effectuer ses tâches lors de son emploi.
[15] Toujours lors de la préparation de son dossier, elle réalise que les trois relevés d’emploi qu’elle reçoit lors de sa mise à pied proviennent respectivement de chacune de ces trois entreprises. Elles sont cependant toutes signées par la même personne. La signataire est identifiée par la plaignante comme étant une employée qui travaille à l’administration chez Airpro Transport.
[16] Au registre des entreprises, les trois mêmes actionnaires et administrateurs sont indiqués pour Nova Pro Logistique inc. et 9205-7330 Québec inc. Quant à 9405‑0341 Québec inc., le registre indique un seul nom que la plaignante identifie comme un chauffeur contractuel, qui n’était selon elle pas à l’emploi d’Airpro Transport. Cette personne n’a jamais été son supérieur ni même son collègue et elle ignorait qu’elle pouvait parfois être payée par une entreprise lui appartenant.
[17] Les employeurs étant absents, ceux-ci n’ont pas contredit les éléments mis en preuve. Aucun indice n’a pu être apporté au Tribunal afin de l’éclairer de manière plus détaillée sur la structure respective des trois entreprises, la division apparaissant n’être que superficielle.
[18] Dans ces circonstances, la preuve convainc que les trois entreprises, faisant affaire indistinctement sous le nom d’Airpro Transport, sont imbriquées au point de n’être qu’un seul employeur.