Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans CNESST c. Stéphane Gauthier, une décision récente de la Cour du Québec, on confirme deux courants jurisprudentiels, soit celui de l’impossibilité de mettre fin à l’emploi de l’employé pendant la période de délai de congé qu’il donne sans indemnité de départ, et sur les règles quant à l’indemnité de 20% qui est parfois réclamée par la Commission des normes, de l’équité salariale et de la sécurité du travail (CNESST) en vertu de l’article 114 de la Loi sur les normes du travail.
Il est question dans la décision de savoir si des massothérapeutes d’un spa sont des employées ou des travailleurs autonomes et, le cas échéant, de quoi serait constituée leur indemnité de départ. La CNESST réclame l’indemnité de 20%, qui existe dans la loi et lui permet de financer ses activités.
Utilisant les critères usuels et bien connus, le juge en vient à la conclusion que les massothérapeutes sont des employées. Là où la décision nous intéresse, c’est que l’employeur avait remercié une des employées sans indemnité, alors qu’elle avaient donné sa démission et qu’elle était encore dans sa période de délai de congé. À ce chapitre, le juge explique :
[86] L’employeur qui reçoit d’un salarié le délai de congé prévu à l’article 2091 C.c.Q. ne peut mettre fin unilatéralement au contrat de travail à durée indéterminée sans donner à son tour un délai de congé ou une indemnité qui en tient lieu. Le délai de congé donné par le salarié n’a pas pour effet de libérer immédiatement les parties de leurs obligations respectives découlant du contrat de travail. Si l’employeur refuse de laisser le salarié fournir sa prestation de travail et de le rémunérer pendant le délai de congé, il se trouve à «mettre fin au contrat» au sens de l’article 82 de la LNT[38].
[87] Telle est exactement la situation en l’espèce, de sorte que la réclamation d’une indemnité tenant lieu d’un avis de cessation d’emploi de deux semaines est due par l’employeur à madame Faundez.
[88] La somme de 1 412,08 $ réclamée est octroyée.
L’autre aspect de la décision qui nous intéresse est celui de l’indemnité de 20%. Il appert ici que la position du défendeur n’était pas déraisonnable (bien que défaite) et ainsi, le juge n’accorde pas l’indemnité à la CNESST :
[89] La Commission peut, lorsqu’elle exerce un recours comme celui du présent dossier, réclamer en sus de la somme due en vertu de la LNT ou d’un règlement, un montant égal à 20 % de cette somme. Ce montant lui appartient en entier[39].
[90] C’est ainsi que la Commission réclame ici la somme de 6 577,65 $ pour son compte, soit 20 % du montant réclamé au nom des salariées.
[91] Il ressort de la jurisprudence que l’attribution de ce montant est discrétionnaire, qu’il ne s’agit pas d’une pénalité, mais plutôt d’une mesure de financement de la Commission, et qu’on tend à ne pas l’accorder lorsque l’employeur est de bonne foi et qu’il a défendu un point de vue qui, pour être erroné, n’était pas déraisonnable[40].
[92] Selon la Cour d’appel, on peut ainsi penser que n’est pas déraisonnable le cas où le débat entrepris par la Commission ou l’employeur soulève une question de droit sérieuse, c’est-à-dire nouvelle, de principe, controversée, complexe ou inusitée[41].
[93] Rappelons que la bonne foi se présume toujours[42] et, en l’espèce, la Commission n’a pas démontré la mauvaise foi de monsieur Gauthier, loin de là.
[94] La position mise de l’avant par ce dernier n’est pas déraisonnable et, bien qu’erronée, elle est sérieuse, voire séduisante.