Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans David Charron-Gagnon c. Centre canin La Patte Champêtre, un employé qui avait initialement refusé une offre d’emploi, puis l’avait acceptée après un retour de sa future employeure, a omis qu’il avait eu des comportements répréhensibles avec ses deux derniers employeurs.
Une fois que son nouvel employeur a eu vent de ces faits, par l’entremise de ses ex-employeurs, l’employé se voit remercié de ses services pour motif sérieux et bris de confiance. L’ex-employé demande maintenant au tribunal des dommages, qui lui sont promptement refusés. La juge explique son raisonnement par le dol, créant ainsi un vice de consentement et rendant le contrat de travail nul ab initio :
[40] Le 12 septembre 2018, celui-ci l’accepte. Les éléments essentiels du contrat d’emploi, à savoir : emploi d’animalier, durée indéterminée, période de probation, salaires et avantages sociaux sont connus des parties. Le Tribunal en déduit qu’un contrat de travail est conclu immédiatement.
[41] Dès lors, le Centre Canin est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, tel que le prévoit l’article 2087 C.c.Q.
[42] Or, le Centre Canin invoque avoir été induit en erreur par le dol de M. Charron-Gagnon. M. Charron-Gagnon a menti dans le contenu de son curriculum vitae et lors de son entrevue d’embauche. Il n’a pas l’expérience requise pour le poste d’animalier.
[43] Le dol, tout comme l’erreur, est un fait juridique et doit être prouvé. Tout moyen de preuve est admissible, tant la preuve testimoniale que la preuve documentaire ou par présomption de faits[10].
[44] Le Centre Canin a l’obligation de présenter une preuve dont la quantité et la qualité sont telles que son allégation à l’effet qu’il est victime de dol est non seulement possible, mais plus probable que le contraire[11].
[45] Le Tribunal est d’avis que le Centre Canin a rencontré son fardeau, voici pourquoi.
[46] Comme c’est le cas pour toute relation contractuelle, la relation de travail est fondée sur la bonne foi, laquelle doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction[12].
[47] Le Code civil du Québec, à son article 1401, prévoit que :
L’erreur d’une partie provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.
[48] Le dol a été défini par les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina[13] :
Le dol est le fait de provoquer volontairement une erreur dans l’esprit d’autrui pour le pousser à conclure le contrat ou à le conclure à des conditions différentes. C’est donc l’acte, l’agissement qui provoque l’erreur.
[49] Le vice de consentement en raison de fausses déclarations à l’embauche est bien résumé par les auteurs lorsqu’ils écrivent[14] :
13.185. L’employeur qui découvre qu’un salarié a fait de fausses déclarations à l’embauche peut sanctionner ce manquement en s’appuyant sur deux fondements :
→ Premièrement, il peut invoquer le fait que le consentement est fondé sur une erreur puisqu’il n’aurait pas engagé le salarié s’il avait su qu’il ne possédait pas les qualités requises par l’emploi. Cette approche dite « civiliste » s’appuie sur le Code civil du Québec qui reconnaît, en matière contractuelle, l’erreur de consentement et le dol;
→ Deuxièmement, l’employeur peut invoquer le fait que le salarié a manqué à son obligation d’honnêteté et de loyauté et qu’il y a rupture du lien d’emploi, la relation de confiance essentielle à tout contrat d’emploi n’existant plus.
[Notre soulignement]
[50] En 2012, la Cour d’appel a dressé un portrait des règles applicables aux déclarations des postulants à un emploi. Elle écrit[15] :
[58] Le CHRTR a raison de rappeler que tout contrat de travail est régi par les dispositions du Code civil du Québec et que le salarié a l’obligation d’agir de bonne foi. Cette obligation existe tant au moment de la naissance de l’obligation contractuelle qu’à celui de son exécution. Afin de donner un consentement libre et éclairé lors de la conclusion du contrat de travail, les parties doivent divulguer tous les renseignements pertinents à l’obligation contractuelle.
[59] Ainsi, le postulant qui fait de fausses déclarations à son futur employeur et lui cache ainsi des faits susceptibles d’influencer sa capacité de travailler risque l’annulation de son contrat de travail puisque l’erreur porte alors sur un élément essentiel qui a déterminé le consentement. Il en va de même, lorsque l’erreur est provoquée par le dol de l’autre partie. Le consentement de l’employeur est alors vicié et le contrat de travail nul ab initio.
[Références omises et nos soulignements]
[51] La preuve prépondérante révèle que M. Charron-Gagnon a sciemment menti dans le contenu de son curriculum vitae et lors de son entrevue d’embauche. Ceci a eu pour effet de volontairement provoquer une erreur dans l’esprit du Centre Canin afin de le pousser à l’embaucher.
[52] Le Tribunal conclut que, correctement informé, le Centre Canin n’aurait pas retenu la candidature de M. Charron-Gagnon et ne lui aurait pas fait d’offre d’embauche.
[53] Ainsi, le contrat d’embauche conclu entre le Centre Canin et M. Charron-Gagnon est nul ab initio, le recours de M. Charron-Gagnon ne peut réussir.
[54] Finalement, la preuve ne démontre pas que Mme Fugère ait commis un acte susceptible d’entrainer sa responsabilité personnelle. La demande à son égard est rejetée.