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Si l’employeur donne un motif de congédiement qui n’est pas réel, une transaction peut être revue par un tribunal

17 mars 2023

Par Me Paul-Matthieu Grondin

 

Dans la cause récente du Tribunal administratif du travail Da Oliva c. Nemco Canada inc., un vendeur d’expérience avec une formation en ressources humaines perd son emploi, essentiellement à cause de la COVID-19. Il signe une transaction qui semble avoir été proposée de bonne foi par l’employeur qui règle les conditions de sa fin d’emploi, comme ça arrive très souvent.

L’employé dépose ensuite une plainte en congédiement sans cause juste et suffisante au TAT, dans lequel il soulève de possible fausses représentations de l’employeur, qu’il accuse d’avoir engagé quelqu’un d’autre pour le remplacer, ce qui relèverait du congédiement plutôt que du licenciement pour motifs économiques.

La preuve ne rapporte pas que l’employeur se serait adonné à ce subterfuge. Ce qu’il faut en retenir, c’est que si la preuve avait démontré un « faux motif », l’employé aurait pu avoir gain de cause. Il avait aussi déposé ses plaintes hors délai.

Voyez ici le passage pertinent quant aux fausses représentations :

 

 

 

[6]         La transaction est un contrat par lequel des parties préviennent une contestation à naître ou terminent un litige, au moyen de concessions ou de réserves réciproques[4]. Elle a, entre elles, l’autorité de la chose jugée[5]. Ainsi, aucune des parties à une transaction valide ne peut saisir un tiers décideur pour soumettre un litige visé par l’entente conclue.

[7]         Comme tout contrat, elle est assujettie aux règles de formation prévues au Code civil du Québec (le C.c.Q.) soit le consentement, la capacité légale des parties à contracter, un objet et une cause[6].

[8]         De plus, les articles du C.c.Q. relatifs au consentement s’appliquent au contrat de transaction :

  1. Le consentement doit être donné par une personne qui, au temps où elle le manifeste, de façon expresse ou tacite, est apte à s’obliger.
  2. Le consentement doit être libre et éclairé.

 

Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion.

 

  1. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.

 

L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

 

[Nos soulignements]

 

Application du droit

[9]         Dans la présente affaire, les parties ont signé un document qui prévoit spécifiquement le paiement de certaines sommes, une quittance en faveur de l’employeur pour toutes les réclamations reliées à la fin d’emploi et une renonciation à exercer des recours.

[10]      Monsieur De Oliva plaide toutefois que le Tribunal ne devrait pas donner effet à cette transaction, car son consentement aurait été vicié volontairement par de fausses représentations de l’employeur quant au motif de fin d’emploi.

[11]      Nemko est une entreprise spécialisée dans les tests et la certification de produits. Monsieur De Oliva est vendeur pour Nemko depuis le mois d’octobre 2017. Au départ, il exerçait ses activités au Québec et par la suite l’employeur lui confie aussi l’est des États‑Unis.

[12]      La fin d’emploi survient en période de pandémie de COVID-19 alors que l’activité économique est en baisse, tout comme les ventes de l’employeur. Au mois d’août 2020, le supérieur immédiat de monsieur De Oliva écrit à toute l’équipe des ventes afin de solliciter leur aide pour compléter un plan de redressement. Le courriel ne laisse aucun doute, la situation est préoccupante. De plus, en raison de restrictions de voyage à la frontière américaine, monsieur De Oliva ne peut se rendre dans une partie importante du territoire qui lui est assigné.

[13]      C’est dans ce contexte que l’employeur lui annonce le 27 août 2020, que son poste est aboli (« your position as a Sales Executive has been made redundant »). Il lui offre une compensation financière et lui propose un document de transaction en lui disant de prendre le temps de l’examiner avant de le signer.

[14]      Monsieur De Oliva, fort d’une formation et d’une longue expérience de gestionnaire en ressources humaines, décide de signer la transaction sur le champ après l’avoir lue. En effet, les explications qu’on lui donne le convainquent alors que la fin de son emploi est liée à des difficultés financières et l’offre de Nemko lui apparait juste dans les circonstances.

[15]      Par la suite, deux éléments portent monsieur De Oliva à conclure que l’employeur lui a menti sur les motifs véritables de la fin d’emploi : l’embauche d’une gestionnaire de compte à Montréal (G. D.) et celle d’un représentant au New Hampshire.

[16]      Le Tribunal conclut que la preuve démontre que ces deux éléments ne constituent pas un dol de l’employeur susceptible d’avoir vicié le consentement de monsieur De Oliva. En effet :

  •       c’est après la fin d’emploi[7]que G. D. contacte l’employeur pour l’aviser que son compétiteur direct ferme son laboratoire de Montréal. Celle-ci, une vendeuse chez ce compétiteur, détient une position enviable pour faire migrer la clientèle délaissée par le compétiteur vers Nemko. Il s’agit donc d’une opportunité d’affaires que l’employeur saisit et non l’embauche d’une personne pour remplacer monsieur De Oliva. De plus, la fermeture du compétiteur n’étant pas connue de l’employeur au moment de la fin d’emploi, il ne saurait y avoir dol ou fausse représentation.
  •       Quant à l’embauche d’un vendeur américain, il s’agit d’un élément de la restructuration ayant mené à l’abolition du poste de monsieur De Oliva. Dans le contexte particulier de cette époque, l’embauche d’une personne pouvant desservir le territoire américain, ce que ne pouvait faire monsieur De Oliva, n’a rien de fausses représentations. Le Tribunal ajoute que le moment de cette embauche n’ayant pas été établi, il est donc aussi possible que les circonstances l’entourant aient substantiellement changé depuis la fin d’emploi.

[17]      Monsieur De Oliva considère qu’un courriel du directeur général de Nemko envoyé à plusieurs personnes le lendemain de sa fin d’emploi  démontre qu’on l’a congédié pour des motifs disciplinaires. Une lecture rationnelle du courriel en question ne peut mener à cette conclusion. Il y est uniquement question des défis auxquels fait face l’entreprise et d’un plan de restructuration du service des ventes qui implique la fin d’emploi de monsieur De Oliva. Le ton est neutre et n’implique aucun reproche envers celui-ci.

[18]      Bref, rien ne permet de conclure que l’employeur a usé de fausses représentations afin d’induire monsieur De Oliva à signer la transaction et le Tribunal n’a aucune raison de ne pas en tenir compte et d’y donner effet. Cet élément suffit à rejeter les plaintes, mais le Tribunal abordera succinctement l’autre motif soulevé par l’employeur.