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Un assistant directeur d’usine à l’emploi depuis 35 ans reçoit une indemnité de départ de 18 mois

27 février 2024

Par Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge

 

 

Dans une décision de la Cour supérieure de 2012, Bernatchez c. Commonwealth Plywood ltée, un assistant directeur d’usine se fait licencier sans avoir reçu de préavis ni d’indemnité.

 

L’employé, qui compte plus de 35 ans de service et a occupé plusieurs postes dans la compagnie avant d’obtenir le poste d’assistant directeur, se fait mettre à pied.  Peu de temps après, il est rappelé pour accomplir six heures de travail par semaine, ce qu’il acceptera. On l’informe enfin que ses services n’étaient plus nécessaires, et on met fin à son emploi.

 

En défense, l’employeur soulève les circonstances ayant mené à la mise à pied du demandeur, à savoir la crise financière dans le domaine forestier, et demande à ce que le temps de ladite crise soit considéré aux fins du préavis de fin d’emploi. Il soutient que la lettre de mise à pied doive être interprétée comme une fin du lien d’emploi. L’employeur dit aussi que l’employé aurait confirmé de nouvelles conditions de travail en acceptant de travailler six heures par semaine, ce qui constituerait une forme de quittance.

 

Le tribunal ne retient pas l’argument de l’employeur voulant que la situation financière doive être considérée comme un préavis puisque l’employeur lui-même ne pouvait pas savoir que la mise à pied était permanente. Il rejette également le deuxième argument puisque l’intention de l’employé n’était pas de renoncer à son emploi.

 

Voyez la façon dont le juge motive sa décision :

 

 

[47] En ce qui concerne le premier argument, sur les circonstances de la crise forestière entre 2004 et 2006, il est certain que le demandeur savait qu’il y avait des problèmes d’approvisionnement pour l’usine de Tee Lake. Il savait également qu’il y avait des conflits avec le principal joueur en industrie forestière dans la région du Témiscamingue soit Tembec .

[48] La défenderesse soutient que ces faits étant connus du demandeur, il aurait dû lui-même considérer cette situation comme un préavis de fin d’emploi.

[49] Le Tribunal ne peut retenir cet argument de la défenderesse pour les motifs suivants : tout d’abord si la situation était suffisamment claire pour le demandeur pour qu’il interprète cette situation comme constituant un préavis de fin d’emploi, il faut admettre que la situation ne pouvait être qu’au moins aussi claire pour la défenderesse.

[50] Or, la défenderesse au mois de septembre 2006 ne licencie pas le demandeur, non seulement elle ne fait que le mettre à pied en indiquant qu’il s’agissait d’une mesure temporaire dans la lettre du 14 septembre 2006, mais en plus elle le rappelle quelques jours plus tard pour l’aider dans son litige contre Tembec.

[51] Ni la conduite de la défenderesse, ni la lettre du 14 septembre 2006, ni la cessation d’emploi du 15 novembre 2006 ne permettent au demandeur de penser qu’il vient de perdre son emploi et qu’il y a bris du lien d’emploi avec la défenderesse.

[…]

[58] La défenderesse voudrait que le Tribunal conclue que cette entente entre les parties constituait en quelque sorte une quittance pour l’emploi à temps plein que le demandeur avait occupé pendant 35 ans.

[59] Cet argument pourrait être valable si le demandeur avait été licencié par la lettre du 14 septembre 2006, ce qui n’est pas le cas. L’entente conclue entre le demandeur et la défenderesse à la fin novembre 2006 avait pour le demandeur comme objectif de continuer à maintenir son lien d’emploi avec la défenderesse, son intention en acceptant d’aider la défenderesse n’était sûrement pas de renoncer à son emploi à plein temps qu’il a occupé pendant plus de 35 ans pour devenir employé à temps partiel une (1) journée pas semaine sans aucune compensation.

[60] Il ne s’agit pas d’un cas où un employé après avoir vu prendre fin son lien d’emploi avec l’employeur a accepté d’autres fonctions à d’autres conditions.