Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la très récente décision du Tribunal administratif du travail Philippe c. Mofac Électrique ltée, un chargé de projet qui cumule une bonne expérience chez son employeur est remercié de ses services de façon concomitante à l’exercice d’un droit prévu par la Loi sur les normes du travail, soit celui de s’absenter pour maladie – il y a une limite à cette absence légale, mais elle n’était pas dépassée dans ce cas.
Ainsi donc, l’employé chargé de projet dépose deux plaintes, l’une pour pratique interdite, soit celle d’avoir subit des représailles après l’exercice d’un droit prévu à la Loi, et une deuxième, la classique « 124 », représentant dans notre jargon la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante.
L’employeur arguera qu’il avait de bonnes raisons pour justifier le congédiement, mais ce n’est pas ce que le tribunal en retient : les prétentions de vol de temps et de fausse facturation seront rejetées.
Ce jugement est l’opportunité pour le blogueur responsable de ces lignes de réitérer quelques principes : le premier, c’est que si le Tribunal administratif du travail accueille une plainte pour pratique interdite, il est clair que le congédiement l’a été pour un motif illicite, et que la plainte en congédiement sans cause juste et suiffsante doive subséquement être accueillie.
Le deuxième, c’est que la réintégration doive être prononcée, à moins qu’elle soit impossible, ce qui relève des représentations des parties.
Voici le détail :
[29] Le Tribunal a conclu dans le cadre de la première plainte que l’employeur a congédié le plaignant pour un motif illégal. Or, dans un tel cas, il doit également accueillir la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante. En effet, comme le Tribunal l’a mentionné à maintes reprises, « une fin d’emploi basée sur un motif illégal est nécessairement fondée sur une cause injuste et insuffisante »[6].
[30] Cela étant dit, le Tribunal tient à préciser que même s’il n’avait pas été saisi d’une plainte pour pratique interdite, il aurait quand même conclu que la plainte déposée en vertu de l’article 124 de la loi est bien fondée, puisque l’employeur n’a pas démontré que le plaignant a posé les gestes qui lui sont reprochés.
[31] Qui plus est, si l’employeur était d’avis que le plaignant manquait d’assiduité au travail, il devait lui souligner que son comportement posait problème avant de sévir comme il l’a fait.
[32] De façon générale, la jurisprudence exige que le salarié qui a un comportement déviant puisse bénéficier d’une discipline progressive, destinée à l’amener à s’amender, avant que ne lui soit imposée la mesure extrême que constitue le congédiement[7]. Cette gradation a pour but de lui permettre de comprendre ce qu’on attend de lui et quelle sera la sanction qui lui sera imposée s’il ne se conforme pas aux demandes.
[33] Monsieur Giguère affirme avoir enduré les absences du plaignant pendant près de deux ans. Pourtant, jamais au cours de cette période, il n’a abordé le sujet avec lui. Il ne lui a jamais souligné l’importance de corriger la situation ou averti de ce qui l’attendait.
[34] Comme le mentionnait la Commission des relations du travail dans l’affaire Lessard c. Société de transport de Montréal[8] : « Un employeur ne peut laisser un comportement condamnable se perpétuer sans intervenir, laissant une situation se dégrader et les manquements s’additionner pour finalement sanctionner l’employé, d’un congédiement. » Or, c’est précisément ce que l’employeur aurait fait en l’espèce.
Les mesures de réparation
[35] Le plaignant demande au Tribunal de réserver sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées.
[36] Cela étant, les deux parties s’entendent sur le fait que la réintégration chez l’employeur est impossible, et ce, même si la plainte pour pratique interdite est accueillie. Considérant la nature des accusations portées par l’employeur et le témoignage du plaignant sur les effets du congédiement sur sa santé, le Tribunal partage cet avis. Un retour dans l’entreprise n’apparaît pas souhaitable.
[37] La réintégration ne sera donc pas ordonnée, mais le Tribunal conservera la possibilité de déterminer une autre mesure de réparation plus adéquate, puisque la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante est également accueillie.