Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans une récente décision du Tribunal administratif du travail Estrada c. 8316325 Canada inc., un employé se fait congédier tout juste avant la période des Fêtes, et présente plusieurs plaintes à la CNESST, qui donnent un jugement intéressant pour ce blogue.
Il appert qu’une des conséquences dudit congédiement est pour l’employé de devoir déménager sa famille ailleurs. Il doit aussi se trouver un nouvel emploi, non seulement pour son avenir, mais parce que, comme les habitués de ce blogue le savent, il a l’obligation de mitiger son préjudice, et ne peut tout simplement attendre chez lui une indemnisation hypothétique.
Or, deux éléments sont à retenir de ce jugement : de congédier un employé avant le temps des Fêtes (et de « s’acharner » sur son cas) (1) peut donner ouverture à des sommes payables en dommages moraux et (2) peut repousser le début de la période de mitigation des dommages essentiellement à la fin janvier.
Voyez ici les deux passages pertinents:
[49] Le congédiement a lieu peu avant la période des fêtes. En plus de constituer une période moins appropriée pour la recherche d’emploi, le plaignant doit trouver un nouveau logement pour lui et sa famille et organiser son déménagement.
[50] Le Tribunal retient que c’est à la fin janvier 2017 que le plaignant commence ses démarches de recherche d’emploi. Cette période s’avère tout à fait justifiée dans les circonstances.
(…)
[84] Le plaignant prétend avoir droit à 5 000 $ à titre de dommages moraux. Selon l’employeur, ce dernier n’a pas fait la démonstration d’un préjudice réel, si bien qu’aucun montant ne devrait lui être accordé à ce chapitre.
[85] Le Tribunal donne droit à la réclamation du plaignant et accorde 5 000 $ à titre de dommages moraux.
[86] Pour obtenir une compensation pour dommages moraux dans le cadre d’une plainte selon l’article 124 de la LNT, le plaignant n’a pas à démontrer que l’employeur a commis un acte de mauvaise foi ou un traitement injuste à son égard. II doit cependant établir, par prépondérance des probabilités, l’existence de tels dommages et le lien de causalité entre ceux-ci et la fin d’emploi[26]. Une preuve médicale n’est pas toujours possible ni même requise.
[87] En l’espèce, la preuve est prépondérante que le plaignant a subi des préjudices qui sont attribuables aux circonstances dans lesquelles le congédiement sans cause juste et suffisante s’est déroulé, de même qu’à l’acharnement dont a fait preuve l’employeur à son endroit par la suite. Il témoigne avoir vécu du stress et de l’humiliation entrainant des conséquences sur son humeur et sa santé. En outre, le fait de devoir déménager sa famille en pleine période des fêtes a certes constitué un événement représentant une grande source d’anxiété.
[88] Les témoignages du plaignant et de sa conjointe à ce sujet sont crédibles et ils ne sont pas contredits. Ils constituent une preuve prépondérante des préjudices moraux subis par le plaignant à cause du congédiement illégal que lui a imposé l’employeur.
[89] L’évaluation monétaire d’un préjudice moral n’est pas une science exacte. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer quel montant d’indemnité paraît juste et raisonnable pour compenser ce préjudice[27]. Dans le cas présent, la somme de 5 000 $ réclamée par le plaignant est pleinement justifiée.