Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la très récente décision du Tribunal administratif du travail Borsellino c. Intalent – Solutions en Capital Humain inc., un directeur a maille à partir avec son employeur quant à des commissions impayées.
Ledit directeur, ayant été recruté – qui, comme les initiés le sauront, a une incidence certaine sur les indemnités de départ à être payées – devient rapidement efficace et tire profit d’une entente relativement lucrative de commissions. Une partie de celles-ci étant impayée, il dépose une plainte pécuniaire à la CNESST, qui enquête.
Une escalade s’en suit, l’employé est victimes de mesures de représailles, et dépose donc une deuxième plainte pour pratique interdite, celle d’avoir subi de telles mesures parce qu’il avait exercé un droit en vertu de la Loi sur les normes du travail. Il sera finalement congédié.
L’intérêt de ce blogue pour le jugement réside dans une particularité, soit celle voulant que le travailleur ait été congédié après avoir accepté un emploi ailleurs – ce qui se termine habituellement en démission vis-à-vis l’employeur précédent – mais avant d’avoir donné son préavis. Ainsi, il était encore en emploi, et est donc réintégré.
Voici le détail :
[79] Finalement, après la fin d’emploi, l’employeur apprend que le plaignant travaille désormais pour l’un des fournisseurs. À l’audience, la preuve démontre que ceux-ci ont signé un contrat de travail le 17 janvier 2020, lequel prévoit que le plaignant débute ses nouvelles fonctions vers le 3 février suivant.
[80] Ce dernier explique avoir compris que son emploi prendrait fin prochainement en raison des avis disciplinaires infondés reçus, de l’attitude de la directrice générale et de l’employeur à son égard, ainsi que de la négociation de l’entente de départ. Il a donc entrepris des démarches afin de se trouver un nouveau travail qu’il pourrait occuper si son emploi prenait fin.
[81] L’employeur y voit un manque de loyauté. Selon lui, le plaignant a attendu d’être congédié alors qu’il aurait dû démissionner.
[82] Le Tribunal ne partage pas cet avis. En tentant d’imposer au plaignant de nouvelles conditions de travail et en le sanctionnant de façon intempestive, le tout en réaction à sa réclamation salariale, l’employeur lui a donné des raisons légitimes de tenter de se trouver un nouvel emploi.
[83] Que le congédiement survienne après que le plaignant ait signé un contrat de travail avec un tiers, mais avant qu’il ait donné son préavis de départ à l’employeur, importe peu à ce stade-ci : la décision de rompre le lien d’emploi le 18 janvier est celle de l’employeur et elle constitue donc un congédiement. Le fait que le plaignant ait par la suite débuté de nouvelles fonctions très rapidement pourra certes avoir une incidence sur la détermination de l’indemnité à laquelle il a droit, le cas échéant, mais cela ne change en rien la nature de la fin d’emploi.