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Un directeur principal des comptes nationaux reçoit une indemnité de départ de 18 mois en raison d’un congédiement déguisé

12 février 2024

 

 

Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge

 

 

 

Dans une cause de la Cour supérieure de 1999, Paquette c. ADT Canada Inc., un directeur principal des comptes nationaux est victime d’un congédiement déguisé en deux temps.

 

L’employé travaille pour l’employeur pendant 33 ans. Au cours de ces années, il gravit tous les échelons de la compagnie, il reçoit de nombreux bonis en considération de sa performance ainsi que des hausses salariales. Cependant, en raison d’un burn out, l’employé part en congé de maladie.

 

À son retour, il constate une modification dans ses fonctions. Il passe de directeur principal des comptes nationaux à chargé de comptes nationaux. Ses conditions de travail demeurent les mêmes, mais sa liste de clients est modifiée. Depuis son retour au travail, l’employé n’atteint pas ses quotas. L’employeur le menace de congédiement si une amélioration n’est pas constatée. L’employé demande d’être remis dans l’état où il se trouvait avant son congé de maladie, mais son employeur refuse.

 

L’employeur a ensuite muté l’employé à un autre emploi dans la compagnie, soit un poste de vendeur avec une diminution importante de son salaire, ce que l’employé n’acceptait pas.

 

L’employé, compte tenu de son âge de 55 ans, de ses 33 années de service auprès de son employeur et de son poste prestigieux, réclame un délai-congé de trois ans. Il prétend que les agissements de son employeur équivalent à un congédiement déguisé exécuté en deux temps.

 

Le juge conclut qu’il s’agit effectivement d’un congédiement déguisé effectué en deux temps, à savoir les modifications de ses fonctions à son retour de congé de maladie et la rétrogradation subséquente de son poste. Le juge accorde donc une indemnité de 18 mois, en tenant compte de ses 33 années de services, son âge et le prestige associé à son poste.

 

Voyez la façon dont le juge motive sa décision :

 

 

 

35        Dans cette cause, le Tribunal est devant une preuve d’un employé modèle pour une période de 33 ans. L’inévitable est arrivé. Après avoir tant travaillé, le demandeur a souffert d’un “burn out” et, à son retour au travail, il a constaté que son poste était modifié, que sa liste declients avait été rognée et modifiée. Il accepte et tente de relever le défi. Alors qu’il semble remonter la côte, on lui propose une deuxième démotion. La défenderesse lui offre un poste de simple vendeur à Laval. Ce nouveau poste représentait une démotion et un salaire de basediminué de 41 000 $ à 29 000 $ ainsi qu’une clientèle nouvelle à développer. Ce poste est beaucoup moins prestigieux.

36        La défenderesse insatisfaite était en droit de congédier le demandeur et de lui payer une indemnité pour avis de congédiement. Cette indemnité devait suffire à compenser le salaire perdu pendant la durée de la recherche pour trouver un nouvel emploi. Par deux fois, le demandeur se voit devant une démotion. Dans cettecause, la deuxième démotion équivaut à un congédiement déguisé. La défenderesse reproche au demandeur de ne pas avoir réalisé les quotas de vente fixés par la compagnie ADT Canada inc.

[…]

41        Dans un contrat de service pour une durée indéterminée, l’employeur peut y mettre un terme. L’employeur peut congédier l’employé avec le paiement d’une indemnité et l’employé peut cesser son emploi moyennant préavis de départ.

42        D’après la preuve, la défenderesse est parvenue au congédiement déguisé du demandeur en usant d’un stratagème de dépréciation sur une période du 25 août 1995 au 27 janvier 1997. Le demandeur a accepté la rétrogradation du 25 août 1995. Il voulait revenir et réussir. Comme il allait y parvenir en décembre 1996, la défenderesse l’humilie définitivement par son offre du 27 janvier 1997.

43        Le Tribunal est d’avis que le demandeur a fait un effort valable pour atténuer sa perte. Il n’était pas obligé de subir l’ignominie d’une deuxième démotion.
44 En deux temps, la défenderesse est parvenue à ses fins: un congédiement déguisé: d’abord le 25 août 1995 et enfin le 27 janvier 1997.

[…]

47        À cause des 33 années de loyaux services du demandeur, de son âge et du congédiement d’un poste prestigieux, le Tribunal reconnaît qu’il s’agit d’un congédiement déguisé de la part de la défenderesse et qu’une juste compensation pour un délai de congé raisonnable équivaudrait à 18 mois dusalaire annuel de 89 339 $, ou 134 008,50 $.