Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans une très récente cause de type indemnité de départ classique, la division des petites créances de la Cour du Québec enrichi encore notre corpus jurisprudentiel au sujet d’indemnités relativement généreuses et qui peuvent dépasser le temps passé à l’emploi.
En effet, dans Poissant c. Toitures Rémi Gagné, un ancien huissier désirant poursuivre une vie active est engagé comme directeur de la santé et sécurité au travail par une entreprise de toitures. Le climat économique incertain amène un ralentissement des affaires dans l’entreprise et l’employeur se voit contraint de réduire ses dépenses. Ce fait n’est ni la faute de l’employeur, ni de l’employé, mais donne droit à ce dernier à une indemnité de départ. La juge passe à une revue des critères jurisprudentiels que nous connaissons bien.
Voyez ici le détail de la décision où on accorde six semaines d’indemnité de départ à l’ex-employé le cœur de la décision :
[25] L’objectif du délai de congé, du point de vue de l’employé, est de lui donner un temps raisonnable pour se retrouver du travail sans qu’il n’encoure de perte économique; le décideur doit donc analyser les circonstances propres à chaque affaire, et ce, selon les critères suivants:
- Nature et importance de la fonction;
- Intention des parties;
- Abandon d’un autre emploi pour l’acquérir;
- Nombre d’années de service;
- Âge et expérience;
- Facilité ou difficulté de se trouver une occupation identique ou similaire;
- Existence des motifs sérieux au congédiement;
(…)
[29] Au moment de s’entendre sur le lien d’emploi qui les unirait, monsieur Poissant connaissait bien les activités d’affaires de monsieur Gagné, pour avoir exécuté plusieurs mandats à titre d’huissier de justice pour son entreprise.
[30] Monsieur Gagné a fait confiance à monsieur Poissant par le passé en lui confiant plusieurs tâches de la sphère juridique liées à son entreprise.
[31] Monsieur Poissant dispose de bonnes connaissances en droit, en raison de sa formation et des nombreuses années consacrées à sa pratique professionnelle.
[32] À titre d’exemple, il était habilité à dresser des constats sur l’état des lieux et à faire rapport à la cour.
[33] Pour monsieur Poissant, l’opportunité de changer de domaine, tout en ayant des connaissances et compétences pertinentes pour ce nouvel emploi, était l’occasion d’une transition en douceur avant la retraite envisagée quelques années plus tard.
[34] C’est ainsi qu’il a décidé de vendre sa clientèle à une autre firme d’huissiers. Il explique qu’il n’a pas obtenu de paiement forfaitaire, mais touche plutôt une mince redevance à l’égard des honoraires facturés à son ancienne clientèle par les huissiers cessionnaires.
[35] Il n’a cependant produit aucune documentation sur cette question.
[36] L’emploi chez Toitures Rémi Gagné Inc. devait être à durée indéterminée, mais il a pris fin abruptement, après à peine 4 semaines, soit du 1er au 26 avril, sans que monsieur Poissant ait quoi que ce soit à se reprocher.
[37] Par ailleurs, les motifs économiques invoqués par l’employeur sont légitimes. Les ouvriers, qui devaient être au rendez-vous pour la saison des toitures, ont fait faux bond.
[38] La surveillance des chantiers devenait un luxe que monsieur Gagné ne pouvait se permettre. Il a dû prendre une décision d’affaires.
[39] Bref, les deux hommes n’ont rien à se reprocher quant au contexte de la fin du lien d’emploi qui les unissait.
[40] Et comme il se doit, monsieur Poissant a minimisé ses dommages en trouvant rapidement un nouvel emploi, soit dès le 6 mai 2019, mais pour un salaire moindre, soit environ 30 000,00 $ au lieu de 50 000,00 $.
[41] Le Tribunal considère donc qu’une indemnité équivalant à 6 semaines de salaire est raisonnable dans les circonstances, soit une somme de 5 700,00 $.