Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge
Dans une cause de la Cour supérieure de 2006, Orvieto c. Italy (Government of the Republic of), un employé de la Délégation commerciale d’Italie à Montréal réclame des dommages-intérêts à la suite d’un congédiement déguisé.
L’arrivé d’un nouveau supérieur bouleverse l’environnement de travail de l’employé. Celui-ci est extrêmement contrôlant et veut tout surveiller. La situation devient si invivable que l’employé prend la décision de remettre sa démission et il invoque un congédiement déguisé de la part de son ancien employeur.
La Délégation soutient que l’employé était incapable de s’habituer au nouveau style de son supérieur qui ne faisait qu’exercer ses prérogatives de gestion. L’employeur prétend également qu’il y a eu un acquiescement tacite aux nouvelles pratiques mises en place par le supérieur car l’employé a travaillé avec lui pendant plusieurs mois. Il estime donc que l’employé a bien démissionné et qu’il n’a pas été victime d’un congédiement déguisé.
Le juge conclut que la situation en l’espèce est un congédiement déguisé puisque les conditions de travail de l’employé ont été substantiellement modifiées à l’arrivée de son nouveau supérieur.
Voyez la façon dont le juge motive sa décision :
[51] La Cour suprême du Canada, dans Farber c. Royal Trust Co., enseigne qu’une modification substantielle et unilatérale des conditions essentielles du contrat de travail constitue un congédiement déguisé :
Lorsqu’un employeur décide unilatéralement de modifier de façon substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé et que celui-ci n’accepte pas ces modifications et quitte son emploi, son départ constitue non pas une démission, mais un congédiement. Vu l’absence de congédiement formel de la part de l’employeur, on qualifie cette situation de « congédiement déguisé ». En effet, en voulant de manière unilatérale modifier substantiellement les conditions essentielles du contrat d’emploi, l’employeur cesse de respecter ses obligations; il se trouve donc à dénoncer ce contrat. Il est alors loisible à l’employé d’invoquer la résiliation pour bris de contrat et de quitter. L’employé a alors droit à une indemnité qui tient lieu de délai-congé et, s’il y a lieu, à des dommages.
[…]
Pour arriver à la conclusion qu’un employé a fait l’objet d’un congédiement déguisé, le tribunal doit donc déterminer si la modification unilatérale imposée par l’employeur constituait une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail de l’employé. Pour ce faire, le juge doit se demander si, au moment où l’offre a été faite, une personne raisonnable, se trouvant dans la même situation que l’employé, aurait considéré qu’il s’agissait d’une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail.
[52] La preuve démontre que les conditions de travail d’Orvieto ont été modifiées de manière unilatérale et substantielle : son autonomie de travail a été grandement affectée, ses tâches réduites. De plus, l’employeur a affecté son assistante à de nouvelles tâches sans la remplacer. Cette situation produit nécessairement des effets sur l’efficacité au travail. Cette rétrogradation, de l’avis du Tribunal, implique une diminution de prestige et de statut équivalant à une modification substantielle des conditions d’emploi, et ce, même si son salaire n’a pas été diminué, sauf par le fait qu’on lui refuse la prime d’encouragement.
[…]
[56] Il y a eu congédiement déguisé et atteinte à la dignité.