Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la cause de la division des petites créances de la Cour du Québec El-Ghandouri c. Restaurant Verses inc., on met fin à l’emploi d’un employé du domaine de la restauration. Son contrat de travail prévoyait qu’il allait être relocalisé au retour du congé de maternité d’une autre employée.
En droit québécois, quand l’employeur met fin à un contrat à durée déterminée avant son terme, c’est généralement le reste du terme qui doit être payé à l’employé en guise d’indemnité de départ. Or, un courant de jurisprudence et de doctrine s’est développé à savoir qu’une clause résolutoire (qui irait dans les deux sens) permettrait de transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée déterminée.
Cette « transformation juridique » nous mènerait donc vers l’application d’un délai de congé comme préavis, selon l’article 2091 du Code civil du Québec. Cette subtilité juridique est généralement en défaveur de l’employé, parce que le délai de congé sera habituellement moindre que le terme qui restait au contrat à durée déterminée.
C’est un peu ce qui est arrivé dans la cause qui nous occupe. Nous sommes critique de ce courant jurisprudentiel parce qu’il nous apparaît clair que les employés ne négocient pas souvent ces clauses de résolution, et qu’ils ne peuvent en comprendre réellement les effets sur leur contrat à durée déterminée. En effet, il doit survenir bien peu de cas où les employés se prévalent de cette clause, contrairement aux employeurs qui y recourent plus souvent.
Voyez ici le cœur de la décision :
Le contrat d’emploi liant les parties était–il à durée déterminée ou à durée indéterminée ?
[14] Relativement au contenu du contrat d’emploi liant les parties, il y a lieu de faire référence à certains extraits qui y sont contenus.
[15] Ainsi, au chapitre « Modalités d’emploi » dudit contrat, on y retrouve ce qui suit :
Titre : directeur de restaurant
Date début : 23 février 2016
Statut : Remplacement – Congé de maternité
Avis de fin d’emploi : Selon les règles établies par les Normes du Travail
[16] De plus, à la troisième page du contrat d’emploi il y stipulé ce qui suit :
« La présente entente peut être résiliée par l’une ou l’autre des parties moyennant signification d’un avis écrit qui soit conforme aux différentes lois en vigueur … »
[17] Relativement à la définition d’un contrat d’emploi à durée déterminée, l’auteur Robert P. Gagnon l’énonce comme suit:
« 151 – Nature et forme – Le contrat de travail à durée déterminée est celui où les parties ont préalablement fixé une échéance à leur relation contractuelle en prévoyant soit un terme extinctif, soit encore la réalisation d’une condition résolutoire. Dans le premier cas, il peut s’agir simplement de la fixation d’une date d’échéance au contrat, tout comme de la survenance d’un événement certain à une date qui demeure inconnue. Quant à la condition résolutoire, c’est celle par laquelle les parties prévoient que le contrat prendra fin s’il survient un événement incertain : perte d’un équipement de production, réduction des activités de l’entreprise ou de ses profits en deçà d’un niveau préétabli, etc. Pour que le contrat soit considéré comme étant à durée déterminée, il faut que la condition ainsi envisagée soit indépendante de la volonté des parties quant à sa réalisation; autrement, la condition sera assimilée à une faculté unilatérale de réalisation et le contrat considéré comme un contrat à durée indéterminée…
Le contrat de travail à durée déterminée doit faire l’objet d’une entente expresse à cet effet, qu’elle soit écrite ou verbale. Il ne peut s’inférer du seul fait que les parties ont convenu de conditions de travail pour un certain temps, non plus que de l’établissement du salaire sur la base d’une certaine période de temps, annuelle, mensuelle ou autre; il faut plutôt, dans chaque cas, rechercher la véritable intention des parties en tenant compte de toutes les stipulations contractuelles. C’est la partie qui allègue l’existence d’un contrat à durée déterminée qui a le fardeau de la démontrer. »
[18] En l’espèce, en ce qui concerne l’intention des parties, la preuve relativement à la qualification du contrat d’emploi conclu est contradictoire. D’une part, le demandeur soutient qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée alors que la défenderesse, pour sa part, soutient que le contrat en est un à durée indéterminée.
[19] Dans ces circonstances, tel que le prévoit la doctrine citée précédemment, il appartient au demandeur d’établir, par prépondérance de la preuve, que le contrat conclu entre les parties en est un à durée déterminée. Or, à cet égard, la preuve testimoniale administrée à l’audience n’est pas concluante.
[20] Cependant, l’examen du contrat d’emploi écrit et signé par les parties révèle clairement que celui-ci en était un à durée indéterminée puisque les parties ont expressément convenu que ledit contrat pouvait être « résilié par l’une ou l’autre des parties moyennant signification d’un avis écrit qui soit conforme aux différentes lois en vigueur ».
[21] En fait, dans la présente affaire, la défenderesse s’est prévalue de la susdite clause pour mettre fin au contrat d’emploi et ce, en remettant au demandeur, en mains propres, l’avis de terminaison soit la lettre datée du 28 novembre 2016 (pièce P-3).
[22] Ceci dit, bien que le contrat en est un à durée indéterminée, à moins de faire la preuve d’une cause de terminaison juste et suffisante, la défenderesse se devait de donner au demandeur un délai congé d’une durée raisonnable.