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Un président d’entreprise reçoit une indemnité de départ de 2 ans

12 mars 2024

Par Me Paul-Matthieu Grondin, avec la collaboration de Mariane Judge

 

 

 

Dans une décision de la Cour supérieure de 2016, Bois Américana inc. c. Corporation Polystar inc., un président et cofondateur d’entreprise est victime d’un stratagème visant à l’écarter de l’entreprise.

 

Le demandeur cofonde une compagnie dans le but de détenir des filiales dans les secteurs agricole et forestier. La compagnie incorpore par la suite plusieurs sous-compagnies.

 

Un changement de représentant au conseil d’administration de la compagnie-mère conduit à des divergences d’opinions entre les actionnaires. Effectivement, le demandeur souhaite relancer les activités forestières de la compagnie, une perspective qui ne trouve pas unanimité parmi les autres actionnaires

 

Lors d’une assemblée spéciale des actionnaires, sans que le demandeur ne soit convoqué, on procède à sa destitution comme dirigeant de la compagnie.

 

Lors d’une deuxième assemblée, le demandeur se fait réembaucher afin qu’il y ait un vote sur son congédiement. Il donne alors sa démission sous pression.

 

Le demandeur allègue qu’un plan secret a été mis en place par les défendeurs dans le but de prendre possession de ses actifs de la compagnie. Cette stratégie aurait consisté à le destituer illégalement et entraver ses efforts de relancer les activités forestières de la corporation, conduisant finalement à la faillite de l’entreprise. En même temps, les défendeurs se seraient approprié les actions du demandeur sans compensation. Il soutient avoir été congédié de manière illégale.

 

Les défendeurs soutiennent que le congédiement du demandeur résulte d’un versement illégal effectué pour ses frais d’honoraires et ses mauvaises relations avec d’autres compagnies. Ils soulèvent également que le lien de confiance avec le demandeur est rompu.

 

Le tribunal ne retient pas les motifs de congédiement invoqués par les défendeurs.  Le versement d’argent était valide puisque celui-ci avait été effectué en raison de son mandat. Le tribunal rejette également l’argument de mauvaises relations entre le demandeur en tant que cause du congédiement. Il souligne finalement que malgré les prétentions concernant le lien de confiance, le demandeur a continué à recevoir des mandats de la part des défendeurs.

 

Il est évident pour le tribunal que l’on a agi dans le dos du demandeur afin de le sortir du groupe et de s’approprier ses actions. Il s’agit d’un congédiement illégal qui a également nuit aux entreprises. Il retient finalement que la démission du demandeur a été obtenue sous pression et ne peut donc pas être considérée comme volontaire.

 

Le tribunal accorde une indemnité de départ de 2 ans considérant les circonstances entourant le congédiement.

 

Voyez la façon dont le juge motive sa décision :

 

 

 

[1] Les demandeurs réclament des défendeurs un montant de plus de 10 M$ à titre de dommages pour abus de pouvoir. Ils leur reprochent essentiellement d’avoir orchestré un plan occulte visant à les exclure de Corporation Polystar inc.

[2] Pour leur part, les défendeurs recherchent le rejet de cette requête en soutenant que le congédiement de Jacques Bérubé était nécessaire, car ce dernier a omis de respecter ses obligations fondamentales à leur égard. Ils avancent même que celui-ci aurait démissionné volontairement de son poste lors de l’assemblée du 10 janvier 2002, rendant la réclamation à ce chapitre mal fondée. De toute façon, allèguent-ils, les demandeurs n’ont subi aucun dommage qui puisse leur être attribué, Jacques Bérubé ayant agi de manière illégale au cours de sa gestion.

[…]

[203] Afin de mettre en œuvre le plan élaboré par les défendeurs, il faut nécessairement que Jacques Bérubé ne soit plus à l’emploi de Polystar et idéalement n’opère plus de contrôle pour leur permettre de décréter définitivement la scission des deux secteurs d’activités. Son congédiement ne constitue pas un geste isolé d’oppression à son endroit. Les défendeurs veulent clairement se débarrasser de Jacques Bérubé et ses filiales, tant à titre d’actionnaire que d’employé, et surtout de mettre en place leur stratagème en vertu duquel les demandeurs se voient dépossédés de leurs actions dans Bodco. Le congédiement est une composante essentielle et manifestement inévitable de la stratégie adoptée par les défendeurs pour brimer les droits des demandeurs et de leur permettre de s’approprier les actions de Bodco, tout en s’enrichissant à leurs dépens.

[204] Compte tenu des circonstances entourant son congédiement et la durée de son travail dans les sociétés forestières, la somme de 160000$ est octroyée à Jacques Bérubé, représentant un préavis de deux ans en considérant son salaire annuel de 75 000 $ au moment de son congédiement, auquel s’ajoutent des dépenses d’automobile de 5 000 $, pour un total de 80 000 $. En ce qui a trait à un bonus de 4 % pour l’ensemble des cadres supérieurs, ce bonus ne s’est jamais matérialisé. Cette période de 24 mois est à la limite supérieure. Toutefois, les circonstances de ce congédiement abusif l’autorisent.