Par Me Paul-Matthieu Grondin
Dans la récente décision du Tribunal administratif du travail Demers c. Acier Fati inc., un employé comptant 19 ans d’ancienneté est congédié alors qu’il est en absence de maladie depuis un an et qu’il aura à revenir en situation d’accommodement vu son handicap, bien qu’il n’ait pas de date fixe quant à son retour.
Un employeur peut mettre fin à l’emploi d’un employé si ça fait longtemps qu’il est en congé de maladie, qu’il ne peut s’attendre de façon prévisible à ce que l’employé revienne, donne une prestation de travail et que cette situation lui cause une « contrainte excessive ». Or, un article précis de la Loi sur les normes du travail (79.1) régit une partie de cette situation. Cela dit, le tribunal ne retient pas que le congé de maladie représente ici d’une contrainte excessive, vu l’interprétation jurisprudentielle à donner à cet article :
[22] Dans le présent dossier, l’employeur allègue que la durée du congé pour absence maladie du salarié ayant largement dépassé les 26 semaines d’absence en maladie permises par l’article 79.1 de la LNT ainsi que l’imprévisibilité de son retour dans un avenir rapproché constituent en soi des contraintes excessives.
Durée de l’absence
[23] La seule durée d’une absence ou l’imprévisibilité du retour ne font pas en soi la preuve d’une contrainte. L’employeur doit aussi faire la preuve que cette situation entrave ses activités[16].
[24] De surcroît, la jurisprudence a rejeté l’argument voulant que le congédiement peut se justifier au seul motif qu’il s’est prolongé au-delà de la période d’absence maladie prévue à l’article 79.1 de la LNT[17].
[25] Toutefois, l’employeur fait ici valoir que le congé pour absence maladie du salarié de près de douze mois est excessif.
[26] Pour déterminer si la durée d’un congé pour absence maladie était exagérée, la Commission des relations du travail, la CRT, a retenu le nombre d’années de service comme facteur à considérer dans le devoir d’accommodement d’un employeur[18] :
[99] Pour évaluer le caractère excessif de cette absence, il faut tenir compte du nombre d’années de service du salarié au sein de l’entreprise, plus un salarié aura d’années de service plus son employeur devra faire preuve d’accommodement, comme juste retour à la loyauté du salarié, quant aux absences pour maladie.
[27] Dans cette affaire, elle avait jugé qu’une absence de 14 mois pour une personne avec sept ans d’ancienneté était loin d’être excessive.
[28] Dans le présent dossier, le salarié a 19 ans de service continu et l’employeur n’allègue aucunement qu’il a un dossier d’absence chronique.
[29] D’autre part, le salarié était encore prestataire des indemnités d’assurance salaire disponibles chez l’employeur. Il l’a d’ailleurs été jusqu’à la fin de son invalidité survenue environ neuf mois après son congédiement. La Cour d’appel[19] a mentionné qu’il sera généralement raisonnable de permettre une absence maladie de la durée du traitement de l’assurance puisqu’elle peut constituer un indice de ce qui est considéré comme convenable dans ce milieu de travail.
[30] Ainsi, rien ne semble permettre de conclure qu’en soi, la durée de l’invalidité du salarié était ici démesurée.
Ce cas confirme une fois de plus l’importance de la théorie de la « contrainte excessive », qui est un critère difficile à rencontrer pour les employeurs. Certains pourraient même le qualifier… d’excessif. Bref, les employeurs auront probablement à payer cher s’ils ne veulent pas accommoder une personne nouvellement en situation de handicap et de lui proposer un rôle ou carrément de lui créer un nouveau poste.
Dans le cas qui nous occupe, la réintégration a été jugée impossible (de crainte que l’employé ne se fasse discriminer de nouveau), de sorte que le Tribunal reste saisi de la question du remède approprié. Nul doute, une indemnité devra être versée au travailleur.