Par Me Antoun Alsaoub, avec la collaboration d’Émilie Faubert
Après 25 ans d’emploi à l’Administration portuaire de Québec (APQ), l’employé – qui avait presque toujours occupé des postes syndiqués – accepte un poste de contremaître. À ce moment, il signe une entente prévoyant qu’en cas de licenciement pour motifs économiques ou de réorganisation administrative, l’APQ s’engage à lui offrir un autre poste comportant les mêmes conditions et avantages, et ce jusqu’à l’âge de 55 ans.
En 2011, l’APQ abolit le poste de l’employé et décide de lui verser un salaire jusqu’à son 55e anniversaire au lieu de lui offrir un autre poste au sein de l’entreprise. L’employé a pris sa retraite au jour de son 55e anniversaire et l’APQ a conséquemment cessé les versements. L’employé décide ensuite de poursuivre l’APQ, lui réclamant notamment une indemnité de départ, au motif de ne pas l’avoir assigné à un autre poste conformément à l’entente.
Le juge de première instance détermine que l’entente conclue en 2007 est un contrat de travail à durée indéterminée et lui accorde une indemnité de départ équivalant à 62 semaines de salaire.
L’APQ soutient dans son appel que le juge de première instance a mal interprété la nature de l’entente qui serait, selon elle, à durée déterminée prenant fin au 55e anniversaire de l’employé. La Cour d’appel ne souscrit pas à cette prétention. Elle précise :
[12] L’interprétation d’un contrat est une question mixte de droit et de fait lorsqu’elle repose sur la recherche de l’intention commune et véritable des parties. Il s’agit ainsi d’une question qui, en appel, est assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante à moins que le juge de première instance n’ait commis une erreur de principe ou de droit isolable. La Cour a récemment réitéré ce principe dans Corbeil Électrique inc. c. Groupe Opex inc. (Ashley Meubles Homestore) en s’appuyant notamment sur l’arrêt Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp. de la Cour suprême du Canada.
La Cour d’appel s’exprime à l’effet que l’intention commune des parties doit être claire et sans équivoque afin de conclure à un contrat de travail à durée déterminée. En l’espèce, l’APQ ne s’est pas dégagée de son fardeau de preuve à cet égard.
Bien que le juge de première instance ait confondu les notions de « indemnité tenant lieu de préavis ou délai de congé » et « prime ou indemnité de départ », cette erreur ne modifie pas son jugement au fond. Une prime de départ est une allocation accordée à un employé en reconnaissance de ses années de service, alors que l’indemnité tenant lieu de préavis n’est payable que lorsqu’il y a absence ou insuffisance d’avis ou que l’emploi se termine avant l’expiration de son terme. La prime de départ est généralement exigible en sus de l’indemnité tenant lieu de préavis, et ne comporte pas une obligation de mitiger ses dommages.
La Cour décide que l’APQ n’a pas respecté les termes de l’entente et qu’elle devait fournir un emploi à son employé. Enfin, l’indemnité accordée par le juge de première instance correspond de façon raisonnable à ce que le salarié pouvait recevoir à titre d’indemnité de départ à la retraite.